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LA DOUBLE MAÎTRESSE

usa-t-elle de cette sorte de réserve de dureté et d’aigreur jusque-là inutiles. On eût pu s’attendre à des révoltes, il n’en fut rien. Devant cette forte contrainte, l’enfant plia, par insouciance un peu, beaucoup par mollesse et aussi par cette facilité aux circonstances particulière aux êtres jeunes, de telle façon que Mme de Galandot en fut déçue dans son projet. Elle ne trouva rien en Julie qui valût les dispositions où elle se trouvait à son égard. Ce manque de résistance la désintéressa à ne pas rencontrer là de quoi satisfaire son attente.

Ce changement créa en Julie un être double par suite de son double séjour au Fresnay et à Pont-aux-Belles. Elle acquit deux habitudes différentes qui prédominèrent en elle chacune à son tour et firent d’elle, plus tard, la voluptueuse et facile Julie des soupers du maréchal de Bonfort et la solitaire et sage Mme de Portebize en train de finir sa vie au rustique manoir de Bas-le-Pré.

Cette rapide docilité, si elle contrariait le désir secret de Mme de Galandot, lui fit estimer fort sa méthode d’éducation et satisfit au moins sa vanité. L’une se résigna donc à être obéie, et l’autre à obéir. Julie hâta l’apprentissage de ce qu’on exigeait d’elle et s’y soumit de bonne grâce. Seulement elle s’ennuyait et son petit visage rose ne riait plus de son grand rire, comme lorsqu’elle se barbouillait des confitures fraîches de Mme du Fresnay ou s’amusait à râcler des notes discordantes sur le violon de M. du Fresnay. Elle était toute préoccupée des convenances nouvelles qu’il fallait qu’elle observât, et cette contrainte donnait à sa petite