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LA DOUBLE MAÎTRESSE

portaient à peine le papier, l’encre et la chandelle qu’ils coûtaient.

Aussi l’abbé quitta-t-il avec joie Paris et le galetas du haut de la rue Saint-Jacques, où il gelait l’hiver et étouffait l’été, pour la résidence de Pont-aux-Belles où l’attendaient bon lit et, sinon bonne table, au moins nourriture saine et solide.

Son appétit avait trop souffert des jeûnes de la pauvreté et des rogatons de la gargote pour ne pas apprécier la régulière pitance du château et quand, le bénédicité une fois dit, il s’asseyait, la serviette au menton et les mains croisées sur sa bedaine, il éprouvait un juste plaisir à voir soulever le couvercle de la lourde soupière et à voir la fumée du potage suinter en gouttelettes moites sur la grande louche d’argenterie qu’on y plongeait. Aussi ne cacha-t-il pas sa gratitude à M. de la Grangère qui, de son côté, appréciait fort d’avoir là, à sa portée, un serviteur humble et discret, toujours disposé à lui composer une homélie, un sermon, un panégyrique, voire même un petit carême dont il ornait sa mémoire et tirait grande réputation d’éloquence et de doctrine.

Quant à l’abbé Hubertet, il s’estimait heureux pourvu qu’après avoir achevé quelque belle pièce oratoire il la pût débiter à l’aise dans quelque coin du jardin où il allait, gesticulant et prêchant aux arbres, la calotte de travers et le rabat en désordre.

Outre celui-là, son principal divertissement consistait à s’enfermer dans la bibliothèque et à y passer son loisir.

Elle était riche et formée d’assez bons ouvrages.