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LA DOUBLE MAÎTRESSE

de beaucoup dans le projet et dans la réussite.

Par ces divers moyens, elle l’occupait entièrement en se réservant, au fond, de s’occuper de tout.

Il ne demandait guère que de trouver sa table bien servie, son vêtement ample et ordonné et les complaisances du lit quand l’envie lui en prenait. Elle ménageait ce triple goût, l’ayant reconnu gourmand de nourriture et vain d’habits. Quant au besoin qu’il avait d’elle, elle y voyait le plus ferme soutien de son pouvoir et ne manquait pas à l’entretenir, tout en en modérant l’usage afin d’en mieux sauvegarder la durée.

Le comte était donc heureux. Une main adroite et sûre dirigeait tout autour de lui, faisait pousser les fruits au verger et les fleurs au jardin. Il n’avait qu’à en savourer la succulence et à en respirer l’odeur. Si la maison était bien ordonnée, les domaines étaient prospères.

On vantait Clairchamps pour ses fourrages et ses granges pleines. Les blés de Noircourt-les-Trois-Fontaines étaient réputés dans le pays pour la qualité de leur paille et le poids de leurs épis ; la Ville-aux-Bœufs devait son nom à la renommée de son bétail. Au Clos-Joli et à Saint-Jean-la-Vigne, les ceps venaient bien. Le sol des Serpentes nourrissait des grappes juteuses. La forêt contenait les plus beaux arbres de la contrée. Des coupes sagement réglées n’abattaient que le nécessaire, laissant s’accroître la futaie et se fournir le taillis.

Quand les bûcherons, la hache à l’épaule, les laboureurs, l’aiguillon au poing, les vignerons, la