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Bilitis, pour louer l’Amour, tu as cueilli,
Sur le même rosier qui fleurit double et porte
L’une et l’autre en sa pourpre épanouie et forte,
Deux roses dont le sang en pétales jaillit.

Dans la coupe d’onyx que ton geste remplit
Aux deux amphores d’or qu’un esclave t’apporte,
Tu verses pour le dieu vers qui ta voix exhorte
Le vin du même cep en même temps vieilli ;

Car l’Éros que tu sers dans l’Île délicate
N’est pas celui qui veut l’étreinte disparate
Où la vierge succombe à l’amant musculeux ;

Bilitis est pieuse à l’amour qui, comme elle,
Subtil en sa caresse et souple dans ses jeux,
Semble être dans une autre à soi-même fidèle.