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LES MÉDAILLES D’ARGILE

Quelqu’un t’attend dans l’ombre et te regarde entrer.
Va vers lui. L’âtre clair ébauche dans son rire
Équivoque le masque à demi d’un Satyre
Qui se crispe, s’efface et soudain reparaît.
Ce tison rouge, c’est sa bouche qui rirait ;
Cette flamme lui mit aux tempes deux oreilles ;
La bûche chante avec un bruit rauque d’abeilles
Et le feu tour à tour gronde et murmure et tord
Des pampres embrasés autour des cornes d’or.
La figure sylvestre, indécise et camuse
Tour à tour se recule et tour à tour s’accuse.
La voici qui s’éteint, la voici qui décroît
Et qu’il n’en reste plus, éparse devant toi,
Qu’un peu de cendre grise où rougeoie une braise ;
Les abeilles ont fui et la ruche s’apaise,
Mais si tu veux revoir le masque qui t’a ri
Et que l’essaim bourdonne innombrable, il suffit,
Pour les faire sortir de la flamme nouvelle,
De jeter à la cendre où couve l’étincelle,
Une à une, dans l’âtre, en offrande au Sylvain,
Des écorces de hêtre et des pommes de pin.