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LE FEU



Rentre. Je ne vois plus ton visage. Rentrons.
Il est trop tard déjà pour s’asseoir au perron
Où la mousse est humide et la pierre mouillée.
La serrure tend à nos mains sa clef rouillée ;
La porte s’ouvrira toute grande pour nous
Avec un bruit d’accueil que le soir fait plus doux ;
Plus tard le gond rétif et le loquet rebelle
Grinceraient, car toute demeure garde en elle,
Taciturne, invisible et qui vit en secret,
Une âme que l’on blesse ou que l’on satisfait.
Obéis à son ordre et cède. Sois pieuse
A cette âme éloquente, humble et mystérieuse
Qui t’appelle. Sais-tu si quelque esprit divin
N’habite pas la pierre où se tourmente en vain
Son angoisse ? Es-tu sûr qu’il ne vive
Plus rien de l’arbre dans la poutre et la solive
Qui craquent sourdement et semblent s’étirer ?