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à travers l’an

Parce qu’Avril riait dans la grotte sonore
En filant sur le seuil l’argent de ses fuseaux,
Parce que le bois frais pleuvait de soleil clair
Et que les sentiers bleus entraient dans la forêt
Et que l’étoile enfin se levait sur la mer,
La même qui monta derrière les cyprès,
Amour aux yeux cruels de langueur et de honte
Par qui tant de printemps me furent sans douceur,
J’ai voilé ton regard et j’ai laissé dans l’ombre
Ton visage aux yeux clairs de rire et de langueur.

Si l’Été roux de blés et rouge de roses,
Si l’Été
Mystérieux de force et de maturité,
Si l’Été des soirs d’or et des matins fauves
Avec ses fruits mûrs qui jutent en gouttes chaudes
Aux lèvres lasses qui les mordent,
Si l’Été
De soleils éclatants, de midis et d’étoiles
Qui chante au vent de tout l’or mûr de ses blés lourds,
Qui crie et saigne de toutes ses roses,
N’avait pas enivré mon sang, ô doux Amour,
Eussé-je ainsi voilé ta bouche
De lourde rose
Douce à ma bouche ?