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Les vieux arbres coupés entrecroisent leurs troncs ;
Le feu qui ronge un pin prend aux branches d’un chêne
Et l’un flambe déjà quand l’autre fume à peine,
Car l’un est vert encore et l’autre résineux ;
La brindille crépite et la souche aux durs nœuds
Suinte. Le bois chaud dilate et rompt l’écorce.
Et le brasier s’unit, s’assemble, et se renforce,
Se cherche, couve, ronfle et gronde et s’enfle avant
D’éclater, tout à coup, monstrueux et vivant
De la base au sommet de la montagne ardente
Qu’il assaille à la fois par sa quadruple pente,
Et de faire à jamais dans nos mémoires, — tel
Qu’il nous est apparu dans un soir immortel, —
De l’homme surhumain qui jadis fut Hercule,
Debout, un Dieu d’or rouge au fond du crépuscule !

Les pâtres, dans la nuit, qui gardent leurs troupeaux
De pacifiques bœufs et de calmes taureaux
Parmi les fleurs du val et les prés de la plaine
Silencieuse sous la paix herculéenne,
Ont regardé grandir vers l’azur étoilé
Cette haute rougeur qui, de l’Œta brûlé,
Fait jaillir jusqu’au ciel sa flamboyante gerbe,
Sans savoir que ce feu qui teint le roc et l’herbe
D’une clarté de gloire et d’un reflet de sang
Et monte à l’horizon en s’épanouissant