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capable d’éprouver jusqu’à l’extrême un pareil sentiment me rehaussait à mes propres yeux et me sortait, pour ainsi dire, de l’avilissement où m’avait fait tomber le métier que j’exerçais. Je m’étonnais de retrouver en moi l’homme sous le bouffon. Ma jalousie m’était un supplice, mais aussi un réconfort. À la pensée que Pierina pouvait me trahir, mon sang s’enflammait dans mes veines. Mes yeux lançaient des éclairs et je serrais les poings avec fureur. Cette fureur me causait une satisfaction étrange. Elle m’apparaissait comme une faculté précieuse et inattendue. Au lieu de chercher à la calmer, je la mettais en réserve, comme si elle eût dû me servir un jour. Par moment, j’oubliais que j’étais le piteux Scarabellin et je sentais renaître en moi le Tito Bassi de jadis, celui qui promenait à travers les rues de la noble et pompeuse Vicence ses désirs d’actions violentes et ses chimères de vie héroïque.