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sublimes me transportaient d’enthousiasme. Tout cela me composait la condition la plus enviable qui eût jamais été celle d’un mortel et je me sentais élevé au-dessus de moi-même dans un enchantement incomparable.

Aussi dans quel lointain médiocre et misérable m’apparaissaient les pauvres jours de mon passé ! Je ne songeais pas sans dégoût au piteux galopin qui, la chemise sortant par les trous de sa culotte, parcourait les rues de Vicence et rentrait, le soir, chercher son gîte dans l’humble demeure d’un cordonnier de la contrada del Pozzo Rosso. Était-ce bien moi qui avais passé tant d’heures, assis sur une borne, à contempler la façade du palais Vallarciero, en proie à mille chimères de roman ? Quel coup de baguette soudain avait donc transformé ma vie et m’avait tiré du bourbier ! Le sentiment de ce changement était si fort qu’il me poussait à l’ingratitude. Je ne conservais aucune reconnaissance au bon abbé