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rouge. Avec ses têtes opposées ne signifiait-il pas que nos deux destinées ne se joindraient jamais complètement ? Quant à ma tante la religieuse, elle est réellement malade. Sa dépêche m’a servi de prétexte vis-à-vis de moi-même, mais je ne l’ai pas inventée ; je ne sais pas mentir, Julien.

Laure de Lérins.

Lorsque j’ai eu achevé cette lecture, j’ai senti un grand froid me pénétrer tout entier. Quelque chose venait de mourir en moi. J’ai compris que je n’aurais plus jamais ni désir, ni volonté, que je n’essaierais plus jamais de vaincre mon indécision naturelle, que c’en était fini à jamais, que je n’étais plus que l’ombre d’un homme. J’entrais désormais définitivement dans la catégorie des inutiles, des gens vagues, misérables et ridicules, dont la vie n’a pas trouvé son aboutissement. Je n’avais ni colère, ni regrets, mais j’éprouvais une profonde lassitude. J’ai voulu me lever, je n’ai pas pu. Sur leurs fauteuils, M. et Mme Subagny continuaient leur longue sieste. La tête de M. Subagny dodelinait sur sa poitrine. Mme Subagny ne ronflait plus et reposait d’un sommeil profond. Il faisait chaud. Comme eux, j’aurais voulu m’endormir pour ne plus me réveiller.


27 juillet. En mer. — Je vais, je viens, je mange, je me promène sur le pont. J’entends parler autour de moi. Je réponds, même, quand on me