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mation ? À vous, Julien, de me gagner peu à peu à votre cause. Ne suis-je pas déjà disposée en votre faveur par l’amour que vous m’avouez ? Oui, je sais que vous m’aimez, mais je veux savoir aussi comment vous m’aimez, et si je pourrai réaliser, moi, votre désir. Nous avons tous deux quelque chose à apprendre de nous-mêmes. Tentons sagement l’expérience. Si elle est favorable, si elle se détermine en ce que vous souhaitez, je me donnerai à vous joyeusement et sans me marchander. Je ne vous importunerai pas de conditions et de délais. Je ne vous proposerai pas le traquenard du mariage et je serai votre maîtresse autant que vous voudrez… Mais nous ne nous connaissons pas. Julien, apprenons à nous connaître.

Elle s’arrêta un instant, puis me tendit la main en se levant du banc :

— Tout cela, j’aurais pu le faire sans vous en prévenir : j’aurais pu vous étudier en secret et vous observer en silence, mais j’aime les situations franches. Et puis, je vous voyais malheureux. Et maintenant partons ; il sera tard quand nous arriverons au yacht.

J’ai longuement baisé la main de Laure. Durant tout le trajet, je l’ai tenue entre les miennes…

Ce soir, la mer est calme. Palerme décroît derrière nous dans la nuit qu’elle illumine de ses feux scintillants. Je pense au long faubourg, à la montée de Monreale, à sa cathédrale, à son cloître étroit bordé de colonnes sarrasines, à sa terrasse fleurie et crépusculaire. L’Amphisbène a levé l’ancre après