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tour duquel s’enroule une souple gaze flottante. Le canot nous attend au bas de l’échelle. En cadence les rames frappent l’eau et, quelques minutes après, nous abordons au quai, où nous sommes accueillis par une bande de gamins qui gambadent et gesticulent autour de nous. Par le bronze du teint, par le feu des yeux, ils sont déjà Italiens, ces gamins de Bonifacio, mais, à l’encontre de leurs congénères de Gênes ou de Naples, il ne nous demandent pas l’aumône. Ces jeunes Corses, plus ou moins dépenaillés, sont fiers et discrets. Ils se contentent de nous suivre un moment, puis ils se dispersent et nous laissent continuer notre route.

Bonifacio est une bizarre petite ville. Ses étroites rues en pentes rudes sont pavées d’un cailloutis dur qui râpe les semelles. Les maisons qui bordent la rue sont en pierre, massives, trapues. Quelques-unes s’ornent de portes sculptées. L’aspect est mi-provençal, mi-italien et tant soit peu rébarbatif. Les gens nous regardent passer avec indifférence, tandis que nous montons vers la citadelle, dont la lourde masse jaune se carre sur le ciel bleu.

Nous y voici parvenus, à cette citadelle. À son pied, s’étend une esplanade d’où l’on a une vaste vue de mer. Dans le lointain, se profile la côte de Sardaigne. Tout l’air est rempli d’un soleil éclatant. La pierre d’un petit parapet est toute tiède et Mme de Lérins la caresse de sa main dégantée, tandis que nous restons là presque sans parler. Parfois une légère brise agite le voile de Mme de Lérins. Parfois une hirondelle passe auprès de nous