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prisonniers de cette île que j’aperçois là-bas. Ne quitteront-ils plus jamais son enceinte magique ? Ne reviendrai-je plus parmi les hommes ? Je les entends cependant qui vivent non loin de moi. Leur voix me parvient, d’en bas, avec la rumeur de la ville, faite de tous les bruits confondus en une harmonie et en un appel…

J’ai aimé passionnément ce Marseille d’un beau septembre de ma jeunesse où, pour la première fois, du haut du rocher de la Garde, j’ai vu la mer étinceler sous un soleil que rien ne semblait pouvoir jamais voiler. Ce n’était plus la mer de mon enfance, la mer aux teintes incertaines, pas plus que le puissant Marseille, aux mille voix de sirènes et de sifflets, à la vaste rumeur vitale, n’était l’humble Honfleur aux vieilles cours silencieuses et au petit port envasé. Et moi étais-je le même que jadis, celui du temps de mes rêveries mélancoliques ? Maintenant une sorte de joie profonde m’emplissait, un besoin de me mêler à la vie, de coudoyer, d’être emporté par un flot humain. Cette impression, Marseille me la donnait généreusement, avec son bruit méridional, ses rues animées, son activité ensoleillée, ses passants loquaces, ses cafés