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croisent de longues galeries voûtées qui sont chacune occupées par un commerce différent, car on vend de tout au Bezestin : des étoffes, des cuirs, du métal, de la poterie, des parfums, des tapis, des armes, du neuf et du vieux. C’est un marché et un bric-à-brac. On peut y acheter des babouches ou de l’essence de roses, un fez ou une pendule Louis-Philipe, un harnachement de cheval ou une chaîne de montre. J’aime à flâner dans ce dédale de rues, de passages, à m’arrêter aux carrefours ou devant quelque amusante boutique. Je suis resté longtemps devant celle d’un armurier. Les armes qu’elle contenait étaient des armes démodées : yatagans, cimeterres, longs pistolets, sabres, poignards, tout l’arsenal de la turquerie romantique. Parmi ces armes de panoplies il y en avait quelques-unes anciennes et belles : lames damasquinées, ou niellées d’or, crosses incrustées de corail ou de turquoises, fourreaux curieusement ciselés. L’homme qui tenait ce belliqueux étalage était un grand diable maigre, aux fortes moustaches, visage osseux et basané d’un turc de Delacroix, l’air féroce. D’un fourreau courbe, il a tiré, pour nous en faire admirer la lame d’acier bleuâtre, un long sabre incurvé et il l’en a tiré d’un geste magnifique où revivait toute la barbarie guerrière du vieil