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ÉPISODES

Quand l’Épée, une à une, eut coupé chaque tête
Qui renaissait de son sang même et de la boue ;
Le massacre a souillé l’honneur des vierges mains
— Car le mal est mauvais même à qui le déjoue —
Et le monstre annelé mal tué par le glaive
Râle encore au marais livide d’horizon.

J’ai crispé mes doigts robustes à la toison
Et, comme un vendangeur qui fait jaillir la sève
Des grappes, j’ai serré la gorge des lions
Dont la gueule saignait parmi les touffes d’herbes
Et fus dompteur viril de leurs rébellions,
Et j’ai fait de leurs peaux et des griffes acerbes
Un bestial trophée à mes épaules nues !
Et Nemée exultante en un matin d’avril
Au prestige ébloui des tâches inconnues
Salua le vengeur de son fauve péril.

Aux arbres alourdis de la Forêt heureuse
Où l’Automne à présent pleure aux carrefours d’ombre
J’ai suspendu le poids des dépouilles sans nombre,
Prix opime de la prouesse valeureuse ;