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rendre intéressant dans ces divers rôles. Cependant une pareille innovation, quoique justifiée par le succès, a été regardée justement comme une faute capitale ; car il n’est jamais permis de dénaturer à ce point des mœurs consacrées au théâtre. D’ailleurs Arlequin a perdu beaucoup plus qu’il n’a gagné dans cette réforme. Le sentiment fait un contraste bizarre avec son costume, et ne va nullement à sa figure de grillon[1]. Combien est préférable la joyeuse humeur qui l’anime sur le théâtre de Gherardi ! C’est là qu’il est dans son véritable élément. Tout ce qu’il y fait, tout ce qu’il y dit est marqué au coin de l’originalité la plus plaisante. Qui pourrait ne pas applaudir à ses nombreuses saillies ? elles feraient rire un Anglais attaqué du spleen. Boileau, qui se connaissait en bons mots, les a louées en désignant le recueil des comédies dont elles font le principal mérite sous le titre de Grenier à sel. Je ne puis résister au désir d’en citer quelques-unes.

« Il n’y a dans le monde que trois sortes de gens : les trompeurs, les trompés et les trompettes. »

« Un financier est un homme qui a sauté du derrière de la voiture dans l’intérieur en évitant la roue. »

« L’amour d’une femme est un sable mouvant sur lequel on ne peut bâtir que des châteaux en Espagne. »

« On ne fait pas l’amour à Paris ; on l’achète tout fait. »

Ce dernier mot a été attribué au spirituel marquis de Caraccioli, mais il était imprimé dans une arlequinade avant que M. le marquis eût appris à lire.

Le personnage d’Arlequin n’est point moderne comme son nom ; je vais essayer de le prouver en établissant sa généalogie. Il descend en droite ligne d’une famille originaire du pays des Osques, et transplantée dans la cité de Romulus. Cette famille

  1. La figure du grillon a fourni, sans doute, le modèle du masque d’Arlequin, comme le remarque M. Ch. Nodier ; et ce qui paraît confirmer cette opinion, c’est que le nom de cet insecte, grillo, a été appliqué au masque d’un farceur de l’ancienne comédie italienne, et à ce farceur lui-même. Chez les Latins, le même nom, gryllus, signifiait précisément ce que nous entendons en français par caricature.