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daient par un Aristarque comme le prouve un passage de l’Art poétique d’Horace, où il est dit : Fiet Aristarchus, etc. C’est aussi ce que nous entendons, mais quelquefois, nous y attachons une idée particulière de sévérité.

aristote. — Faire le cheval d’Aristote.

On dit Faire le cheval d’Aristote, pour désigner une pénitence qui est imposée dans le jeu du gage touché, ou dans quelque autre jeu semblable, et qui consiste à prendre la posture d’un cheval, afin de recevoir sur son dos une dame qu’on doit promener ainsi dans le cercle où elle doit être embrassée par les joueurs. Cette pénitence est sans doute une allusion à l’usage symbolique d’après lequel le vassal ou le vaincu se mettait aux pieds du suzerain ou du vainqueur, une bride à la bouche et une selle sur le dos[1].

Quant à l’expression singulière par laquelle elle est désignée ici, elle doit son origine à un fabliau intitulé le Lai d’Aristote, dont voici le canevas[2].

Alexandre-le-Grand, épris d’une jeune et belle Indienne, semblait avoir perdu le goût des conquêtes. Ses guerriers en murmuraient, mais aucun d’eux n’était assez hardi pour lui en exprimer le mécontentement général. Son précepteur Aristote s’en chargea : il lui représenta qu’il ne convenait pas à un

  1. L’histoire offre plusieurs exemples de cet usage, depuis le fils du malheureux Psammenit, qui fut envoyé au supplice avec un mors dans la bouche par ordre de Cambyse, jusqu’à Hugues de Châlons qui, reconnaissant son impuissance contre l’armée des Normands, alla trouver le jeune duc Richard qui la commandait et se roula à ses pieds en signe de soumission, avec une selle de cheval sur ses épaules. C’est en vertu d’un pareil usage que Eustache de Saint-Pierre et cinq autres bourgeois de Calais se présentèrent à Édouard III, roi d’Angleterre, avec la corde au cou.
  2. Le Lai d’Aristote, attribué à Henri d’Andelys, trouvère du treizième siècle, est un conte tiré d’un auteur arabe qui l’a intitulé : Le Visir sellé et bridé. L’usage absurde de substituer Aristote à un visir est venu, suivant J. M. Chenier, de l’autorité même qu’Aristote avait acquise dans les écoles du treizième siècle.