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encens de tant d’âmes, était-ce donc un rêve ? Ah ! Un rêve de Dieu dans ma couche éternelle ? Et ce cri de l’univers, entrecoupé d’un soupir si long, était-ce ma voix qui, toute seule, sans ma pensée, balbutiait dans mon sommeil ?


Ma bannière du ciel, n’était-ce rien que mon suaire ? Et ce pleur infini que pleurait toute chose, étaient-ce donc mes larmes qui tombaient de ma paupière trop lassée pour les sentir couler ?


Vie, vérité, mensonge, amour, haine, fiel et vinaigre mêlés ensemble dans mon ciboire, oui, l’univers, c’était moi. Et moi, je suis une ombre ; je suis l’ombre qui toujours passe ; je suis le pleur qui toujours coule ; je suis le soupir qui toujours recommence ; je suis la mort qui toujours agonise ; je suis le rien qui toujours doute de son doute, et le néant qui toujours se renie.



Quoi ! Personne après moi dans la nuit ? Personne dans le jour ? Personne dans le puits de l’abîme ?



L’Eternité.

Moi, je suis encore dans le puits de l’abîme. Mon sein est celui d’une femme, mais je ne suis pas ta mère Marie ; mon front est celui d’un devin, mais je ne suis pas ton père Jéhovah.



Le Christ.

Aidez-moi à pleurer.



L’Eternité.

Je n’ai point de larmes pour pleurer dans ma grande paupière.



Le Christ.

Où les avez-vous versées ?



L’Eternité.

Mes yeux sont secs.



Le Chris