Mob.
Et moi je serai toujours. Vraiment que
deviendrais-je si je faisais comme vous ?
Heureusement, mes ailes sont assez grandes pour
couvrir l’univers, et mes idées ne dépassent
jamais le manche de ma faux.
Ahasvérus.
Le jugement approche ; tes genoux ne tremblent-ils
pas en y pensant ?
Mob.
L’imagination frappée exagère toutes choses, mon
cher. Ce sera une journée comme une autre, un
peu de fumée, surtout de cendre, et puis ce sera
tout.
Ahasvérus.
à chaque mot de ta bouche, mon cœur devient plus
pesant.
Mob.
C’est un organe en effet fort incommode dans les
chemins montants. J’en ai souffert beaucoup dans
ma jeunesse ; et j’en ai encore, à cette heure,
le hoquet, comme vous voyez.
Ahasvérus.
Laisse-moi ; tu me glaces, et tu ne peux pas me
tuer.
Mob.
Eh bien, garde-les donc, les songes que cet ange
t’a apportés en dot. Beau couple, qu’ils vous
suivent à Josaphat ; vous verrez là comment
ils vous seront payés. Mais prenez le plus
court. -par ici, toujours à gauche. Du haut
en bas, le firmament est lézardé. Avant une
heure, il va crouler. J’entends déjà l’éternel
essaim de mes chauves-souris qui bruissent à la
voûte des cieux, et là-bas, la dernière goutte
d’eau qui pleure et glousse et se lamente
en s’abîmant pour la dernière fois dans la
mare du monde.