la forge, broyez le diamant, fondez l’or, remuez le creuset ; bien ! C’est cela. Encore une heure ! à la fin une petite fumée s’évapore, et voilà la vie passée. Est-ce vrai ?
Ahasvérus.
Non, la science ainsi réduite est trop sèche ;
j’ai essayé ; jamais elle n’a pu remplir mon
cœur.
Mob.
Oh ! Pour le cœur, voyez-vous, n’en parlons
pas ; le mien est aussi vide que le vôtre, et
j’aurais plus à me plaindre que personne. Vous
êtes malheureusement organisée ; le réel vous
déplaît, l’idéal ne vous convient pas ; pourtant,
de deux choses l’une, il faut choisir.
Ahasvérus.
Cette nécessité est un de mes plus grands tourments.
Mob.
écoutez ; si vous en croyez le conseil d’une amie,
laissez là l’exaltation : la jeunesse s’en va,
l’illusion aussi. à votre âge, le monde vous
tend les bras, toutes les carrières vous sont
ouvertes ; prenez un état solide et une situation
dans le monde. Le métier le plus honorable est
celui de la guerre ; rien que d’y songer, la tête
se monte. L’épée sied à un gentilhomme : voyez !
Le soleil dore sa cuirasse ; haches, vouges,
gants de fer, becs de faucons reluisent à son
côté, il a froncé les lèvres : il a dit un
mot : bataille ; et l’écho a répondu : bataille ;
et le sabre aussi, dans le fourreau : bataille.
Que de lances brisées déjà ! Et ne cessera
l’épée de cliqueter, que tout ne soit moulu,
matté et tailladé et démaillé. Les chevaux
hument le sang, la dague, qui a soif, se
désaltère, et le vautour boit ses restes. Le
soir vient, on rentre chez soi, et l’on a tué
le temps.
Ahasvérus.
Plus d’un dard s’est déjà émoussé sur mon écu ;
plus d’une épée