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une découverte récente, quelque chose dans le genre de Louqsor ou de Palmyre, et que s’il fût tombé dessus à l’improviste dans les parties encore inexplorées de Liverpool, — on dirait un bel édifice, allons-nous entrer et demander la permission de le visiter ? » Mon frère, qui pensait moins au spectacle qu’au spectateur, et qui, dans ce désert humain, désirait naturellement s’en faire un ami, consentit aussitôt. Ils entrèrent ; alors par hasard, M. le maire et le conseil municipal était en séance. Le perfide hôtelier, dans un entrotien particulier, fit part de ses soupçons à sa Seigneurie, et sous prétexte de placer mon frère à l’endroit d’où l’on voyait le mieux les objets intéressants, il fit entrer mon frère dans la stalle réservée aux prisonniers qui comparaissaient devant le tribunal. Le pauvre enfant ne s’en doutait guère, même quand M. le Maire se mit à l’interroger. Il crut que c’était un incident fortuit, bien que sans doute, il eût rougi jusqu’aux oreilles en s’entendant adresser des questions, et des questions des plus indiscrètes, en public. Le but de M. le Maire et des autres gentlemen du conseil à cette époque (c’était en 1802) était de s’assurer du véritable rang et du nom de famille de mon frère, car il persistait à se donner comme un pauvre enfant vagabond. On essaya divers moyens pour tirer de lui quelques renseignements, mais en vain ; enfin on recourut à la ruse employée par Ulysse, lorsque déguisé en porte-balle, et pourvu d’un assortiment d’objets de toilette et de bijoux féminins, auquel il avait mêlé des armes, il voulut forcer Achille à se trahir, à la cour de Lycomède. Un gentleman conseilla au maire d’envoyer chercher un nouveau Testament en grec. La chose faite, le Testament fut ouvert à