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de liberté ; je veux parler des fêtes publiques, hélas ! si multipliées dans ces temps où des gouvernemens fallacieux soldaient la joie, mettaient le bonheur en spectacle, et trompaient la multitude par des simulacres de paix et de prospérité publique. M. Chalgrin eut plus d’une fois la direction de ces fêtes mensongères, dans lesquelles l’artiste, séduit avec toute l’Europe, croyait solenniser le retour de la paix, et ne faisait que célébrer de fatales victoires, sources toujours nouvelles de guerres de plus en plus fatales.

C’est comme garant d’une paix encore plus trompeuse que toutes les autres qu’avaient été commencé, en 1809, l’arc colossal de l’Étoile, dont la Providence semble avoir exprès retardé l’achèvement, pour une époque destinée à voir fermer l’antre de toutes les discordes, et pour un règne que seul aura le droit d’y élever un monument de la paix universelle.

On ne saurait deviner par quelle étrange bizarrerie deux architectes (MM. Raymond et Chalgrin) furent dans le temps conjointement chargés d’un ouvrage aussi simple, aussi un que l’arc dont il s’agit. Quelques-uns ont cru ne pouvoir expliquer cette singularité, qu’en la rapportant à l’ambition régnante alors, et qui ne voulait donner à personne en particulier l’honneur d’un ouvrage, comme pour se réserver la gloire de tous. On conçoit (et on l’a vu quelquefois en architecture) que deux artistes, unis librement par le même goût et les mêmes études, mettent en commun leurs idées et leurs talens. Mais appliquer deux auteurs malgré eux à la composition d’un seul et même ouvrage, associer dans son invention deux intelligences rivales, certes le systême du monde physique et politique viendrait ici nous démontrer l’absurdité de cette union, si l’exemple de la construction d’un bâtiment n’était pas l’apologue qu’on emploie vulgairement à prouver l’unité de Dieu, et le besoin d’unité de souverain, pour le bien du monde et celui des empires.

Les deux artistes ne furent ou ne parurent d’accord, que tant que dura l’établissement des massifs de la fondation. Leurs dé-