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lui rappeler de doux souvenirs, c’est retracer à son imagination de magnifiques tableaux, c’est lui faire revoir le monument dont il s’agit. Soit qu’il se le figure encore doré par les rayons du soleil, se détachant sur un ciel d’azur, et couronnant la pompe théâtrale de ces lieux ; soit qu’il s’imagine être dans son enceinte, et, à travers le cadre de ses colonnes dégradées, contempler ce vaste champ de ruines où gît l’orgueil de l’antique Rome ; soit qu’il se place sur les bords de ce précipice où, d’abîmes en abîmes, l’Anio mugissant s’engloutit, et fait jaillir soit écume jusqu’au sommet du temple qui le domine ; jamais le nom de Tibur, jamais ses beaux aspects ne se représentent à son esprit sans l’image du monument qui en est devenu inséparable.

Que désirait donc ce prétendu amateur d’antiquité ? quel était l’objet de sa passion ? Ce n’était pas de s’en procurer la propriété, vraiment illusoire, tant que l’édifice resterait en sa place ? Non : il avait formé le projet d’en acquérir les matériaux, de les décomposer, de les transporter au loin dans son propre pays, et de rebâtir ce temple, dans le même état de ruines, au milieu de son jardin.

Je veux suivre un instant l’exécution de son projet. Je me le figure réalisé (car la chose n’eût