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PRÉFACE.

et un seul jour qui réponde à la fois à toutes ces longitudes. Celle de la lune surtout confirme parfaitement la date dont il est question. Il est vrai que, par nos tables modernes, on trouve trois degrés de moins que Ptolémée ne donnoit à la longitude de la lune pour ce temps-là ; mais on trouve la même différence pour le soleil, et l’on voit bien que cela venoit de l’erreur de Ptolémée sur la durée de l’année ». Ce n’est pas seulement la chronologie qui se reconnoît redevable à Ptolémée, des dates qu’elle emprunte des phénomènes célestes qu’il rapporte, parcequ’elles se trouvent liées dans l’histoire, à des événemens politiques dont on ne peut assigner la place dans l’espace des temps, que par le moyen de ces phénomènes dont le calcul astronomique donne toujours les époques justes ; la géométrie a aussi obligation à cet astronome, de plusieurs théorèmes féconds en conséquences utiles pour les diverses branches des mathématiques. Je n’en veux pour preuve que le Lemme où il démontre, liv. I, ch. 9, que le rectangle des diagonales d’un quadrilatère inscrit au cercle, est égal à la somme des deux rectangles des côtés opposés ; démonstration que l’habile géomètre Simson a trouvée si belle qu’il l’a insérée dans sa traduction anglaise des Élémens d’Euclide, et on la retrouve encore employée dans les autres livres de principes des mathématiques pures. Que dirai-je enfin de cette trigonométrie sphérique qui remplit les deux premiers livres, sinon que c’est un extrait de ce qu’Hipparque avoit écrit sur cette matière ; que toute ancienne qu’est cette doctrine, elle est neuve pour nous ; et que l’art avec lequel elle est employée dans la Composition Mathématique, décèle dans l’auteur de cet ouvrage un jugement solide, et une pénétration peu commune. « S’il y a eu de plus grands génies que Ptolémée[1], il n’y a pas eu du moins d’homme qui, eu égard au temps où il a vécu, ait rassemblé plus de connoissances utiles au progrès de l’astronomie ».

Bien des gens n’en conviennent pas cependant. Car Hipparque étant de tous les astronomes qui l’ont précédé, celui dont il a le plus profité, on a prétendu que comme Justin a causé par son abrégé historique, la perte de la grande histoire de Trogue-Pompée, les œuvres d’Hipparque ne se sont perdues que parcequ’on en trouvoit la substance dans l’ouvrage de Ptolémée. « Ce dernier, dit Lemonnier[2], moins occupé de l’histoire générale des observations, que de ses hypothèses et de ses tables, nous a causé en les publiant, une perte irréparable ». Cette inculpation est grave, elle est même spécieuse ; et non content de rendre Ptolémée coupable de l’anéantissement des observations qui auroient pû être contraires à ses théories, Lemonnier répète tous les reproches que font à ces hypothèses, Képler, Halley et tous les autres modernes. Et comme la passion ne connoît point de bornes, quand une fois elle se déchaîne, on a été jusqu’à dire que Ptolémée non seulement n’a pris des observations anciennes, que celles qui étoient les plus propres à établir ses hypothèses, mais encore qu’il n’a même fait aucune observation par lui-même, et qu’il a tordu celles des autres à ses idées.

Il faut n’avoir pas lu l’ouvrage de Ptolémée pour soutenir une pareille assertion, car Ptolémée a soin de distinguer les observations qui sont de lui, d’avec celles qu’il tient des autres astronomes. Il déclare dans les derniers livres que la théorie des

  1. Essai sur l’Hist. des Mathém.
  2. Institutions Astron.