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égale, le prix de toutes ces journées surpasse ce que l’acheteur peut en offrir, il s’ensuit qu’un ouvrier qui a besoin pour vivre d’acheter trois cent soixante-cinq journées de travail étranger à trois francs, et qui ne reçoit que deux francs cinquante centimes par jour, se trouve au bout de l’an lésé d’une somme de cent quatre-vingt deux francs cinquante centimes d’après Barrême.

On dira peut-être que le salaire n’étant pas partout le même l’ouvrier à deux francs cinquante centimes se rattrape sur l’ouvrier à deux francs et au-dessous. Mais, messieurs les jurés, c’est là précisément ce qui fait l’inégalité des conditions ; c’est pour cela qu’il y a de pauvres états, comme l’on dit, bien que la sagesse antique ait déclaré qu’il n’y avait point de sot métier, qu’il n’y avait que de sottes gens. La société est comme une pyramide : les assises inférieures portent les supérieures, et s’enfoncent sous le poids. Au surplus, il suffit d’une règle de proportion pour trouver la moyenne des retenues, et par conséquent la raison arithmétique de l’appauvrissement de certaines classes de travailleurs. Cela se calcule absolument comme les tables de mortalité.

Et voilà ce qui nous explique la profondeur désespérante du proverbe populaire : Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ; voilà pourquoi aussi les maçons se trouvent les plus mal logés, pourquoi les vignerons ne boivent souvent que de l’eau, et rarement du meilleur ; pourquoi les boulangers crient famine au sein même de l’abondance. C’est qu’il y a des bourgeois, des maîtres, placés au-dessus des ouvriers, qui font une retenue sur les salaires, parce qu’eux-mêmes sont dépouillés par d’autres, tant enfin qu’on arrive à un petit nombre de privilégiés qui, élevés au-dessus des autres, profitent de toutes les retenues et n’en subissent aucune, par cette excellente raison qu’ils ne travaillent pour personne.

Or, messieurs les jurés, l’économie politique, science de fraîche date, mais qui déjà promet merveilles, donne le moyen de sortir de cette impasse, sans froisser aucune existence, sans nuire à aucun intérêt, sans rien ôter aux riches, sans