Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clatants exemples, en piémont, en Autriche et en Russie. Dans la situation déplorable où le czar Nicolas avait laissé son empire, l’introduction de la distinction des pouvoirs dans le gouvernement russe n’est pas la moindre des réformes entreprises par son fils Alexandre[1].


Des faits analogues, mais inverses, s’observent dans le gouvernement démocratique.


On a beau déterminer, avec toute la sagacité et la précision possibles, les droits et obligations des citoyens, les attributions des fonctionnaires, prévoir les incidents, les exceptions et les anomalies : la fécondité de l’imprévu dépasse de beaucoup la prudence de l’homme d’État, et plus on légifère plus il surgit de litiges. Tout cela exige de la part des agents du pouvoir une initiative et un arbitrage qui, pour se faire écouter, n’ont qu’un moyen, qui est d’être constitués en autorité. Ôtez au principe démocratique, ôtez à la Liberté cette sanction suprême, l’Autorité, l’État périt à l’instant. Il est clair cependant que nous ne sommes plus alors dans le libre contrat, à moins que l’on ne soutienne que les citoyens sont précisément convenus, en cas de litige, de se rendre à la décision de l’un d’eux, magistrat désigné d’avance : ce qui est exactement renoncer au principe démocratique et faire acte de monarchie.

  1. C’est de la nécessité de séparer les pouvoirs et de distribuer l’autorité que naquit, en partie, après Charlemagne, la féodalité. De là aussi ce faux air de fédéralisme qu’elle revêtit, pour le malheur des peuples et de l’Empire. L’Allemagne, retenue dans le statu quo d’une constitution absurde, se ressent encore de ces longs déchirements. L’Empire s’est émietté, et la nationalité a été compromise.