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que l’aqueduc dit de Chaillot est un ouvrage construit vers 1567, par Bernard Palissy, sur l’ordre de Catherine de Médicis pour amener l’eau de, la maison qu’elle possédait à Saint Cloud jusqu’à la fontaine qu’elle avait projeté d’édifier afin d’orner les jardins de son palais des Tuileries, que lui construisait Philibert Delorme.

Pour arriver à cette conclusion, il fallait trouver le lien unissant certains documents topographiques de la ville de Paris, au sujet desquels les historiens anciens étaient restés muets. Il ne suffisait pas, en effet, d’établir l’impossibilité des hypothèses de Jollois et de Bonamy, cela était aisé mais il n’en résultait rien de précis, ni de définitif.

Ce qui était connu, exactement, irréfutablement, c’était l’existence, sur une ligne ininterrompue, d’un aqueduc en poterie, noyé dans un manchon de béton d’une qualité exceptionnelle, et qui avait été repéré depuis Chaillot jusqu’à l’entrée du jardin des Tuileries ; c’était la gravure du livre de Caylus donnant l’aménagement de cet aqueduc pour traverser l’égout de la Ville près la grande rue de Chaillot ; c’était aussi le don fait, en 1571, parla reine Catherine de Médicis, à la ville de Paris, « d’un bon cours d’eau provenant de la fontaine de son jardin des Tuileries » ; c’était la réclamation faite par le prévôt des marchands aux Minimes de Nigeon (les Bonshommes de Chaillot) de robinets situés dans un regard de leur jardin et, enfin, les ordres contenus dans une lettre de Catherine de Médicis relativement à l’eau qu’elle fait venir de Saint-Cloud dans son jardin des « Tuileries ».

Toute cette documentation restait inutilisée faute de lien. Les papiers de Vacquer conservés à la Bibliothèque historique de la Ville le contenaient, ce lien. En effet, la petite liasse renfermant ce qui concerne les anciens aqueducs garde des relevés sur lesquels on trouve l’indication d’une partie très importante de l’aqueduc dit de Chaillot rencontrée dans les fondations du viaduc d’Auteuil. Ce savant archéologue parisien put reconstituer le tracé complet de l’aqueduc, depuis Saint-Cloud jusqu’aux Champs-Élysées, et attribuer d’une manière certaine à Bernard Palissy la confection de l’ouvrage et la préparation des matériaux qui le forment.

Il est nécessaire pour rétablir la vérité de ce point de l’histoire topographique de Paris d’en faire un récit chronologique appuyé de : toutes les pièces documentaires et encadré dés éclaircissements techniques indispensables.

Catherine de Médicis, ne pouvant supporter le séjour du palais des Tournelles depuis la mort tragique de son époux Henri II, confia à Philibert de l’Orme la construction de son château des Tuileries ; elle avait conçu comme agrément de sa nouvelle demeure un parc aménagé avec le plus grand luxe et destiné à devenir un séjour délicieux. Parmi les ornements prévus figurait une fontaine monumentale pour l’édification de laquelle Bernard Palissy devait employer toutes les ressources de sa puissance artistique ; il installa ses ateliers et ses fours aux abords du palais de la Reine et là même où des vestiges nombreux et variés furent découverts en 1855, 1865 et 1883 ; mais la difficulté la plus considérable pour la réalisation de ces projets provenait de la difficulté d’avoir l’eau indispensable à l’alimentation de la fontaine projetée et des bassins, comme la reine en avait connus dans son pays d’origine.

Vraisemblablement conseillée par Bernard Palissy, qui avait des connaissances en hydrologie exceptionnelles pour son époque et son pays, Catherine de Médicis songea à faire conduire dans son nouveau jardin l’une des sources abondantes des coteaux de SaintCloud où elle avait une maison. Car, à cette époque, la ville de Paris ne recevait d’eau de source que ce que lui en amenaient les aqueducs de Belleville et du Pré-Saint-Gervais ; la Samaritaine n’existait pas encore et il était matériellement impossible de songer à, conduire au jardin des Tuileries le moindre filet de cette eau dont la plus grande partie était prise sur le cours de l’aqueduc par les gens de cour et les communautés religieuses.

La mention la plus précise de l’exécution ; de ces travaux d’adduction se trouve dans une lettre de Catherine de Médicis[1] portant la date de 1567 et dont l’extrait suivant contient ce qui intéresse l’aqueduc :

« M. de Villeroy, ayant estée advertie par l’abbé de St Serge (de l’Orme)[2] comme lés maçons travaillent fort aux murailles et for-

  1. Cette lettre, reproduite par Berty dans la Topographie du Vieux Paris (région du Louvre et des Tuileries), a été extraite du mémoire de Bouquet (p. 328) et reproduite par M. de Montaiglon (arch. de l’Art-français, 1857).
  2. C’est le titre de Philibert de l’Orme qui était aumônier ordinaire du roi et chanoine de Notre-Dame.