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accrochés dans la cour de l'école des Beaux-arts, ne semble-t-il pas qu'il tombe comme l'éternel reproche de l'oeuvre mutilée à l'inconscient démolisseur !

• Que de lamentables choses on pourrait encore ajouter au long martyrologe de ces grands ancêtres parisiens.

Ils ne furent pas toujours, on le voit, entourés de la respectueuse et familiale sollicitude que le fils reconnaissant doit aux aïeux qui vécurent l'histoire de sa race.

Quoi qu'il en soit, et malgré les pertes irréparables consommées, l'heure ne semble pas aux récriminations.

La municipalité parisienne actuelle a voulu voir les choses de haut et accepter la situation telle que la lui laissèrent ses prédécesseurs.

Elle a compris qu'aucune ville ne serait comparable à Paris si ses administrateurs voulaient toujours avoir présent à l'esprit, au milieu des multiples besoins qu'ils ont à satisfaire, le respect de son histoire et le souci constant de la conservation de ses monuments, de ses curiosités et de Sfes aspects.

Il lui est clairement apparu que les améliorations, éternellement perfectibles, que réclament la vie mo- derne et le bien-être social, n'étaient pas inconciliables avec une orientation plus artistique de l'aménagement de la cité et un plus grand respect des vestiges de son passé.

De cette idée devait naître la Commission municipale du « Vieux Paris ».

Quoique un peu tardive, on peut affirmer qu'elle est venue à son heure, à cet instant où une coquetterie de bon aloi semble s'être emparée de la Ville.

N'assiste-ton pas à une renaissance de la construc- tion parisienne remplaçant la monotonie des lignes froides et ennuyeuses de ces dernières années. Les façades se diversifient en réminiscences des styles du passé, mis au point des nécessités de la construction moderne ; des tentatives fort louables sont faites de styles nouveaux, qui déconcertent quelquefois, mais donnent aussi l'espoir des choses souhaitées et attendues.

Les temps semblent donc venus où sous la poussée d'une généreuse initiative et avec l'appui d'une édilité soucieuse de ses devoirs, une allure plus artistique va être imprimée aux constructions et aux aspects de la grande cité, et où un soin plus respectueux, une attention plus savante, une piété plus filiale sera apportée à la conservation des souvenirs encore exis- tant de par la ville ou ensevelis dans les profondeurs du sol.

" Rechercher les vestiges du vieux Paris, en dresser l'inventaire, constater leur état actuel, veiller dans la mesure du possible à leur conservation, recueillir les épaves de ceux qu'il serait impossible de conserver, suivre au jour le jour des fouilles qui pourraient être entreprises et les transformations de Paris jugées nécessaires, au point de vue de l'hygiène, de la circu- lation et des nécessités du progès, et en fixer des images authentiques ; en un mot tenir les Parisiens, par l'intermédiaire de leurs élus, au courant de toutes les découvertes intéressant l'histoire de Paris et son aspect historique. »

Ainsi s'exprima M. le docteur Alfred Lamouroux, devant ses collègues de l'Hôtel de Ville, à la séance du Conseil municipal du 15 novembre 1897. ,

Adoptée par l'Assemblée municipale, cette proposition trouva dans M. de Selves, Préfet de la Seine, un appui immédiat qui se traduisit par la nomination d'une grande Commission composée, selon le texte même du projet, des :

« Conseillers municipaux élus par leurs collègues, des chefs de service de l'Administration, et des tech- niciens pris, autant que possible, dans ces réunions d'érudits, de chercheurs et de fervents de l'histoire parisienne. »

IL — Résultats obtenus.

A peine créée, la Commission du « Vieux Paris » eut à s'occuper d'une importante découverte faite dans l'île de la Cité, sur un emplacement situé entre la rue Chanoinesse et la rue du Cloître-Notre-Dame. En creusant une fouille destinée à l'édification d'un groupe de maisons, un mur antique fut mis à jour qui développait environ 13 mètres du côté de l'est et 3 mètres vers l'ouest. Ce mur, qui offrait une épais- seur de 2 mètres et dont la construction gallo- romaine de grand appareil, était indiscutable, fut soi- gneusement relevé et reconnu, de l'avis général des membres de la Commission, pour un fragment de la première enceinte de la cité édifiée à la fin du iv* siècle.

En démontant une partie de ce mur, d'intéres- santes inscriptions furent découvertes entre les joints des pierres et identifiées par des membres de l'Aca-. demie des inscriptions et belles-lettres concurremment avec des membres de la Commission du Vieux Paris. Ces inscriptions gravées en lettres cajjitales et en cursives latines, présentaient un grand intérêt, en ce sens, qu'on y retrouvait les noms d'anciens habitants de Lutèce.

Enlevées avec soin, les pierres gravées furent en- voyées au musée Carnavalet.

Une disposition très heureuse, dont l'importance n'échappera pas, fut celle adoptée au cours des pre- mières séances, et tendant à insérer dans les cahiers des charges des entrepreneurs de travaux publics une clause spéciale réservant à la Ville la propriété des objets présentant un intérêt artistique ou historique qui pourraient être mis à jour au cours des travaux entrepris par elle et exécutés par des particuliers.

Cette décision permet à la Ville de rentrer en pos- session d'une quantité de ces objets divers, dont le sol parisien est quelquefois si prodigué, et dont la pro- priété pourrait souvent lui échapper.

Elle fut assez heureuse, également, pour obtenir de l'Administration municipale, préalablement à leur exé- cution, la communication de tous les projets d'opéra- tions nouvelles susceptibles d'entraîner la disparition de monuments étant par eux-mêmes des oeuvres d'architecture ou des souvenirs historiques.

On comprendra l'importance de cette disposition quand on saura, par exemple, qu'un projet d'aligne- ment, exécuté à la. lettre, pourrait faire tomber la