Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1899, 6.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 187 -

nerve assise, que M. Georges Monval, dans le Bulletin du VIe arrondissement, indique comme étant l’oeuvre du sculpteur Le Hongre, élève de Jacques Sarrazin. D’ailleurs, cette figure n’a probablement pas changé de place ; elle se trouve en effet au-dessus des deux étages de pierres de taille et au milieu même de la façade, c’est-à-dire à l’endroit occupé vraisemblablement par le tympan du primitif fronton.

Elle aurait simplement été posée sur le bandeau saillant, soutenu par les deux consoles que l’on voit aujourd’hui.

Nous sommes donc à peu près convaincu, autant qu’on peut l’être quand on manque de documents précis, que la première façade serait encore représentée par les deux premiers étages que nous venons d’indiquer, avec cette réserve qu’elle aurait été remaniée, surélevée et rhabillée au goût du jour, si l’on peut dire, à la fin du xviiie siècle et après le départ des comédiens. C’est ainsi que les ferronneries de ses fenêtres sont de style Louis XVI ainsi que les tables et les petites consoles qui les soutiennent.

Nous ne savons, à la vérité, ce que sont devenues les armes de France et la plaque gravée qui figuraient au-dessous de la Minerve, mais l’écartement très apparent qui existe entre les troisième et quatrième fenêtres des deux étages de pierres montre certainement la place qu’elles occupaient, écartement qui serait sans raison d’être dans une façade neuve. Peut-être même les marques blanches qui se voient entre la troisième et la quatrième fenêtre du premier étage sont-elles celles laissées par les armatures de fer qui soutenaient la plaque gravée ?

Nous avons bien vu, il est vrai, grâce à l’obligeante indication de M. Sellier, dans le recueil de l’architecte Blondel, la reproduction de la maison en question, avec son fronton triangulaire et son portail en bossages ; mais cette vue ne saurait affaiblir notre conjecture et cette façade ne serait pas, selon nous, la seule à Paris qui eût été rabotée et transformée au point d’en être méconnaissable.

Beaucoup de bâtisses sont dans ce cas, que l’on croyait disparues depuis longtemps et qui existent encore : telle une haute travée de l’église Saint-Paul, dans le passage de ce nom. N’est-il pas avéré, cependant, que cette église a été rasée en 1796 ; telle encore l’église Saint—Hilaire, sur la montagne Sainte-Geneviève, qui passe pour avoir été démolie en 1785 et

dont, dernièrement, la Commission du Vieux-Paris relevait l’existence de nombreuses parties.

Qu’on le veuille ou non, le mot de Lavoisier pourrait s’appliquer beaucoup plus souvent qu’on ne le croit aux anciens monuments parisiens.

Le « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » du grand physicien est le cas de bien des constructions parisiennes de jadis. Nous pensons toujours que c’est celui de la façade de l’ancienne Comédie.

Qui pourra croire, en effet, ainsi que le prétendent cependant quelques auteurs parisiens, qu’une façade construite en pierres de taille en 1689 pouvait tomber en ruines en 1770, quatre-vingts ans seulement après sa construction ? Vraiment les maçons du xviie siècle valaient mieux que cette réputation que leur font les écrivains des siècles suivants et n’était-ce pas plutôt les boiseries et poutrelles de la salle et de la scène qui manquaient de solidité et obligèrent les comédiens au départ ?

Pourquoi alors, solide comme» elle devait l’être, l’eût on démolie pour en reconstruire une autre, comportant les mêmes dispositions, la même largeur, la même hauteur et le même nombre d’ouvertures ?

Piganiol nous dit encore que : « Un grand balcon de fer, qui à quatre pieds de saillie, règne sur toute la largeur de cette façade. »

A l’époque où Piganiol a écrit ces lignes, en 1740 ou 1742, le balcon qu’il a vu et qu’il signale était évidemment de style Louis XIV ou de la Régence. Démonté probablement pour le convertisse ment en boutiques des locaux du rez-de-chaussée, il ne pouvait pas être question de le reposer sur la façade remaniée et arrangée dans le goût du style Louis XVI.

Qu’est-il devenu ?

Peut-être ne faudrait-il pas aller bien loin pour le retrouver. Il aurait été, nous assure-ton, réédifié sur la maison située de l’autre côté de la rue, au-dessus même du fameux café Procope.

Sans doute il serait quelque peu difficile d’appuyer cette affirmation d’une preuve authentique, mais on ne saurait nier qu’il y a souvent dans les légendes un fond de vérité qu’il est quelquefois imprudent de négliger. Or celle-ci est une légende de quartier que nous trouvons intéressante et que nous retenons.

Quoi qu’il en soit, et sans insister autrement sur une conjecture aussi fragile, ce beau