Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1899, 6.djvu/14

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 186

plutôt de sous-sol accessible de la cour par sept ou huit marches, et dans lequel est plantée une quantité considérable de lourds et massifs piliers en bois, placés à égale distance les uns des autres et qui semblent soutenir le plancher actuel du magasin.

Quelle était la destination de cette véritable forêt de piliers ? Eurent-ils une utilité à l’époque du théâtre ?

M. Bonnassies, dans son ouvrage sur l’ancienne Comédie (1808), nous apprend qu’après leur départ les comédiens, encore propriétaires de l’immeuble, convertirent la scène en magasin à décors et firent planter des colonnes en bois destinées à les soutenir.

Les piliers vus par la délégation sont certainement ceux-là.

A la sortie du sous-sol, la délégation a ensuite pénétré dans l’étroit escalier situé à gauche do la façade vitrée, éclairé par quatre petites fenêtres carrées donnant sur la cour et qui conduisait autrefois aux loges des artistes. Les loges n’existent plus ; elles ont été démolies avec le reste, mais leurs portes sont toujours là, avec les lourdes pentures de fer qui semblent bien solides et bien formidables pour des loges d’actrices, fussent elles des XVIIe et xviiie siècles ; elles n’ont guère la délicatesse et la grâce de ces temps de bon goût ; et pourtant ce sont bien elles et aussi l’escalier, avec ses paliers do briques, ses marches usées et sa rampe grêle de fer forgé, le long de laquelle se sont glissés bien des fois sans doute à l’appel de la scène des artistes remarquables qui s’appelèrent Dancourt, Adrienne Lecouvreur, Clairon, Vestris et bien d’autres.

Ces portes, il est vrai, n’ouvrent plus que sur le vide béant de cette vaste cage ; elles ont été trouvées, cependant, assez solides encore pour remplacer la cloison maçonnée qui eût dû murer ces ouvertures devenues inutiles.

Au quatrième étage, cet escalier donne accès dans un atelier installé sous le pignon du toit et qui règne au-dessus de toute l’étendue de la scène ; il aurait été celui du peintre Gros d’abord, et d’Horace Vernet ensuite. Il a conservé, d’ailleurs, avec son carrelage de brique et ses soupentes mansardées, le caractère de ces pauvres ateliers qui restèrent toujours un peu des greniers, et qui abritèrent modestement les grands peintres du commencement du siècle et leurs nombreux élèves.

Dans un réduit y attenant, la délégation a pu voir les anciens coulis seaux qui servaient au fonctionnement du contre-poids pour le maniement des décors. Il a également été

montré au soussigné, dans le sous-sol de la scène, une puissante poulie en bois avec son armature de fer, qui pourrait vraisemblablement venir de la machinerie.

Sur l’indication de M. Gosselin-Lenôtre, la délégation a pu examiner, du boulevard Saint-Germain, le haut pignon pointu de la construction d’Orbay, avec son toit recouvert de tuiles, qui dépasse les maisons — ses contemporaines — de la rue Grégoire-de-Tours ; pignon qui se voit parfaitement, dans le plan de Turgot, au-dessus des maisons de la rue des Mauvais-Garçons.

En ce qui concerne la façade sur la rue de l’Ancienne-Comédie, nous trouvons dans le tome sixième de Piganiol de la Force l’indication suivante :

La face est, de pierres de taille, à deux étages et percée par six croisées à chaque étage. Elle est couronnée par un fronton triangulaire, dans le tympan duquel est une figure de Minerve en demi-relief. Audessus sont les armes de France aussi en demi-relief ; et plus bas est un cartouche où est cette inscription en lettres d’or, sur un marbre noir :

HOSTEL DES COMÉDIENS DU ROY

ENTRETENUS PAR SA MAJESTÉ

MDC.LXXXVIII.

Or, les deux premiers étages de la façade actuelle sont également construits en pierres de taille avec chacun six grandes fenêtres ; seulement ils ont été surmontés, à une époque évidemment postérieure, de deux autres étages de construction plus légère et de moindres dimensions et dont le revêtement de plâtre tranche sur le mur de pierres des deux autres. De comparaisons établies à la Conservation du plan de Paris entre les plans anciens et le plan actuel, des précieuses indications fournies par M. Beaurepaire, de la bibliothèque Le Peletier de Saint-Fargeau, à l’aide des minutes même du plan de Verniquet, des plans de l’asse rot et de Jacoubet, indications dûment contrôlées par nous, nous sommes fondé à croire que l’alignement actuel de la partie de la rue de l’Ancienne-Comédie qui comprend le n° 14, n’a pas été modifié et est resté le même qu’il était au milieu du XVIIe siècle.

Par conséquent nous pensons, d’accord avec M. Bonnassies, que nous citons plus haut, que les deux étages de pierres, qui concordent si exactement avec la description de Piganiol, sont bien ceux édifiés par François d’Orbay vers 1689 ; les deux étages supplémentaires auraient, postérieurement, été édifiés à la place du fronton triangulaire qui contenait la Mi-