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faisait un coude à angle droit et remontait vers le nord, dans la direction de la rue du Vertbois.

A ce coude, à cette équerre, le plan de Jaillot indique une tour, ainsi d’ailleurs que tous les anciens plans.

Si on repère sur le plan en question le plan actuel, on remarque que la rue Bailly est justement construite à l’endroit même où passait la muraille de l’abbaye ; on remarque encore que ladite rue Bailly fait, elle aussi, un coude à angle droit, exactement comme la muraille en faisait un et qu’elle remonte également vers le nord.

Or, le point de jonction des deux côtés de ce triangle, par conséquent le point où le mur d’enceinte faisait un coude et où Jaillot indique une tour d’angle, est exactement la maison portant le n° 7, au fond de laquelle se trouve la haute four que nous venons de décrire.

En outre, le fond de la maison de M. Hamelin, qui suit exactement, comme toutes les autres maisons de la rue Bailly, le tracé de l’enceinte du prieuré, est élevée sur un mur qui vient, d’une façon parfaite, se souder à la tour dans son milieu et qui, construit dans le même appareil, mesure 1 m. 20 c. d’épaisseur. On y remarque également, à certains endroits, un soubassement en contrefort d’une saillie de 25 à 30 centimètres d’épaisseur, soubassement qui a l’air de régner dans toute la longueur du mur sur une hauteur que l’on ne peut apprécier en raison de l’exhaussement probable du sol.

Ce mur, si admirablement construit et qui se raccorde si exactement à la tour, ne serait-il pas également une partie de la fortification du monastère royal ?

Sa longueur, rien que dans la maison portant le n° 7, est d’environ 20 mètres.

Nous pensons que toutes les maisons de la rue Bailly, du n° 7 au n° 11, sont de même appuyées à cette muraille et peut-être aussi quelques-unes de la partie de cette rue qui infléchit vers le nord.

Le dictionnaire des frères Lazare, qui parle de l’ouverture de la rue Bailly, vers 1780, sur les terrains dépendant du prieuré, est muet sur l’existence de la muraille. Nous devons ajouter que le plan de Verniquet indique exactement l’emplacement de la rue Bailly le long des murs de l’abbaye, mais elle ne dépassait pas la rue Saint-Paxent. Dans le plan minute de l’asse rot, qui date de 1820, la rue Bailly s’arrêtait également à la rue Saint-Paxent, mais un passage était ouvert à travers les

bâtiments du pourtour du marché Saint—Martin, passage que l’asse rot appelle de la Boule Ange et qui prolongeait la rue Bailly jusqu’à la tour dont il s’agit. Ce prolongement de la rue Bailly qui faisait retour vers lé nord, devenu la rue Bailly d’aujourd’hui, ne portait pas de nom sur le plan, mais la maison attenante à la muraille et à la tour y porte le n° 9 et est indiquée comme appartenant à un M. Ginot.

En ce qui concerne la tour, nous avons dit qu’elle était d’une conservation parfaite, grâce assurément à l’escalier qu’au siècle dernier on lui a donné à abriter et dont elle a, été une cage aussi solide qu’économique pour le propriétaire d’alors. Elle se dresse, sans déviation ni affaissement, à une hauteur de 18 ou 20 mètres, et la corniche qui en couronne le faîte, est décorée du crochet sculpté avec feuillage usité au XIIIe siècle.

Au-dessus de la corniche, le dérase ment ou plutôt le décoiffement a été opéré.

On a établi un vitrage horizontal qui en éclaire tout l’intérieur.

Était-elle crénelée et surmontée d’un lanternon, comme celle encore debout de la rue Saint-Martin, ou le toit pointu reposait-il simplement sur la corniche ? Nous laisserons à de. plus compétents, le soin de l’établir, néanmoins le plan de du Cerceau, qui date de 1550 environ, semble répondre à cette interrogation.

Nous y voyons, en effet, dans l’enceinte fortifiée du prieuré, d’abord deux grosses et hautes tours avec créneaux et lanternon, formant angle, la première au nord-est, la deuxième, celle qui nous occupe, au sud-est. Ces deux tours sont, sur le plan, les deux plus importantes ; puis au nord-ouest, celle de la rue du Vertbois, qui semble plus faible. Les tours intermédiaires sont de proportions plus restreintes.

A l’époque où le plan de du Cerceau a été exécuté, au milieu du xvie siècle, les ouvrages militaires avaient une grande importance, les détails de cette enceinte doivent donc avoir été scrupuleusement reproduits. On peut donc présumer, sans trop s’aventurer, que la tour de la rue Bailly était crénelée et surmontée d’un lanternon.

Quoi qu’il en soit et malgré sa conservation à parfaite, elle est à tout jamais perdue aux regards des curieux : asservie à un modeste usage domestique, la flère tourelle du monastère royal aura été moins heureuse que sa soeur du Vertbois, à laquelle tout Paris s’est un moment intéressé ; prisonnière des hautes