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sont autres que les piles de l’ancien pont d’accès de la porte Saint-Bernard, jeté pardessus le fossé creusé, vers le milieu du xive siècle, au pied de l’enceinte de Philippe-Auguste. Suivant Bonnardot, la porte Saint-Bernard ne fut ouverte qu’en 1606, sous l’administration du prévôt des marchands François-Miron. Il n’existait d’ailleurs, en cet endroit, aucune porte sous Philippe-Auguste ; mais, plus tard, sous Charles V, par exemple, il est possible qu’on y eût ouvert une poterne. Dans l’origine, le gros mur d’enceinte aboutissait directement à une haute tour, sise au bord de la Seine et appelée Tournelle. En conséquence, le pont d’accès en question doit dater aussi de 1606.

« Vers 1670, l’architecte Blondel reçut l’ordre du roi, non pas de reconstruire la porte Saint-Bernard, mais de la rhabiller et d’en taire un arc de triomphe. À cet effet, Blondel substitua, à son ancienne ouverture, deux grandes baies d’égale dimension, remplaça son toit primitif par une sorte d’entablement et orna les deux murs de face de bas-reliefs à la gloire du monarque. Deux ans après, les fossés et la contrescarpe ayant été supprimés pour faire place à des rues, le pont d’accès fut abattu. La trace de l’ancien fossé, remblayé depuis lors, subsiste dans le fond vaseux et limoneux qui vient d’être rencontré à la partie inférieure des déblais exécutés en ce point. Nous avons pu constater que ce pont et les substructions de la porte qui y aliénait étaient eu moellons avec parements en pierre de taille ; les piles et les culées avaient été dérasées un peu au-dessus des naissances des arches.


« Fouilles de la rue des Ursins nos 15 et 17.

Dans les fouilles exécutées, le mois dernier, aux nos 15 et 17 de la rue des Ursins, pour la construction d’une école congréganiste de sœurs dépendant du curé de Notre-Dame, il n’a été rencontré que des remblais. Parmi les objets offrant quelque intérêt qui y ont été recueillis, nous devons signaler un débris de chapiteau du xiiie siècle, une clef de voûte d’arête du xvie formant rosace avec départs de nervure, une petite coupe en poterie grise, assez grossière, d’époque gallo-romaine, et un petit phallus de bronze, muni d’un anneau d’attache, qui dut servir de pandeloque de cou à quelque dame romaine, à titre de porte-bonheur, suivant la moderne expression. Ce curieux bijoux nous a malheureusement échappé, l’entrepreneur l’ayant cédé à M. Magne, le collectionneur bien connu de la montagne Sainte-Geneviève ; les trois autres objets ont été gracieusement donnés au musée Carnavalet. Nous pensions rencontrer en cet endroit quelques vestiges de l’enceinte antique de la Cité ; mais cette muraille parait plus vraisemblablement avoir existé un peu moins près de la Seine.


« Fouilles du quartier Saint-Merri.

Dans les fouilles exécutées pour la construction de l’égout de la rue Brisemiche, on n’a rencontré que-les substructions des maisons qui formaient autrefois l’alignement primitif de cette rue.

De l’angle formé par les rues Saint-Merri et Saint-Martin à la rue Taillepain, les démolisseurs préparent l’emplacement d’une nouvelle école communale, dont les fouilles ne tarderont pas à être entreprises.


Observations relatives à l’église Saint-Merri.

À l’angle de la rue de Verrerie et de la rue Saint-Martin, on peut constater, non sans regret, que les bâtiments particuliers qui sont accolés à l’église Saint-Merri empiètent, dans leur partie supérieure, au-dessus des chapelles latérales, d’une façon menaçante pour la conservation de ce vénérable monument ; des tuyaux de cheminée, des balcons, des jardins suspendus, envahissent sa toiture, contrairement au droit de la propriété le plus élémentaire, en dépit du respect dû à nos édifices publics, dispensant suffisamment d’invoquer le vieux droit canonique qui, paraît-il, condamnait rigoureusement tout empiétement sur les lieux consacrés au culte.

À propos de l’église Saint-Merri, nous pensons qu’il est utile de signaler la pierre tombale qui se trouve adossée à l’une des parois de la crypte. C’est une fort belle dalle de liais de 2 mètres de hauteur sur 1 m. 40 c. de largeur, où l’on voit gravées les effigies des deux personnages dont elle recouvrait jadis les corps, accompagnées de leurs armoiries, et en bordure de laquelle on lit, en lettres gothiques, l’épitaphe suivante :

« Cy gisent noble home Mre Guillaume le Sueur, conseiller du roy et général de ses monnoyes, seigneur de Brègy en Mulcien, qui trépassa le xxve jour de may mil ve xxxv, et damoiselle Radegonde Budè, sa femme, qui trépassa le vue jour de décembre mi ve xxij. Pries Dieu pour leurs âmes. »