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Proposition de M. Charles Lucas au sujet du modèle des palais de l’Exposition de 1900 et du pont Alexandre III.

M. Charles Lucas expose que la proposition qu’il a faite à la Commission de permanence, dans le but de faire demander la conservation et l’installation, dans le musée de la Ville de Paris, des modèles des palais de l’Exposition et du pont Alexandre III est née inopinément. Au cours d’une promenade faite sur les chantiers de l’Exposition par les membres du Congrès annuel des architectes, l’attention fut longuement retenue, dans le local resté debout de ce qui fut le palais de l’Industrie, par les petits chefs-d’œuvre que sont les modèles des palais de l’Exposition de 1900.

L’on ne peut concevoir de travail plus parfait d’élégance et de joliesse ; M. le Préfet de la Seine, qui assistait à une des réunions du Congrès, a paru, lui aussi, vivement s’intéresser à ces bijoux d’une exécution incomparable ; c’est pourquoi M. Lucas a immédiatement pensé à en saisir la Commission de permanence, laquelle a émis un avis favorable à la suite duquel la proposition suivante vous est présentée :

« Messieurs,

« Vous n’ignorez pas, au moins par l’exposition qui a été faite des projets des palais en cours d’édification aux Champs-Élysées en vue de recevoir l’Exposition universelle de 1900 et aussi par la publication du projet du pont Alexandre-III, tout le grand intérêt artistique qu’offriront ces palais et ce pont.

« Bon nombre d’entre vous même ont déjà, à différents titres, pu voir les fort remarquables modèles d’ensemble et des détails de la décoration de ces palais et de ce pont, tels que ces modèles se complètent chaque jour dans l’agence des travaux installée dans les derniers bâtiments de l’ancien palais de l’Industrie.

« Il n’y a donc pas à insister auprès de vous sur la grande importance de ces modèles, créés sous le haut contrôle de MM. Picard et Bouvard et sous la direction d’une pléïade d’architectes, pour la plupart anciens pensionnaires de l’Académie de France à Rome, et tous appelés à participer à ces beaux travaux à la suite d’un retentissant concours.

« Il est inutile aussi d’insister sur la parfaite exécution de ces modèles, dus à des praticiens émérites et qui constituent des œuvres d’art que les musées des peuples, moins favorisés que la France au point de vue de l’essor artistique, se disputeraient au poids de l’or.

« Enfin ces modèles représentent un prix de revient difficile à apprécier, mais certainement fort considérable.

« C’est pourquoi il a semblé à votre Commission de permanence qu’il y avait lieu d’attirer l’attention de la municipalité parisienne pour que, en rappelant à l’État la part contributive de la Ville de Paris dans les constructions destinées à l’Exposition de 1900, il fût, après la clôture de cette Exposition, fait don à la Ville de tout ou partie des modèles d’ensemble et de détail de ces constructions ou tout ou moins de doubles de ces modèles.

La municipalité parisienne aurait ensuite à apprécier si — comme le souhaite votre Commission de permanence — il n’y aurait pas lieu, avec ces modèles, de créer dans les agrandissements projetés du musée Carnavalet une salle spéciale dite de l’Exposition de 1900, salle que ces modèles contribueraient à rendre des plus intéressantes au double point de vue de l’histoire de Paris et de l’art français.

« Paris, le 7 juillet 1898.
« Signé : Charles Lucas. »

M. Ch. Lucas ajoute que les élèves des écoles professionnelles trouveraient grand profit à étudier de près l’exécution de ces modèles ; ils y puiseraient un sentiment de ce goût délicat qui rend le travail parisien si précieux.

Les sommes consacrées au payement des modèles ne représentent guère que le prix des heures des praticiens ; le talent des artistes, architectes et sculpteurs, qui en suivent et en retouchent l’exécution n’entre pas en ligne de compte.

Le musée d’art de New-York a déjà fait exécuter à Paris pour plus de 300 000 francs de modèles de monuments et, à Bruxelles, le Musée rétrospectif conserve tous les modèles des monuments commandés, tandis qu’en France nos modèles sont ou perdus ou déposés dans les édifices mêmes, où ils ne peuvent être consultés avec fruit.

M. Alfred Lamouroux appuie la proposition de M. Ch. Lucas et fait remarquer à cette occasion le succès constant de la reproduction du Palais-Royal au musée Carnavalet, où le public s’arrête avec une préférence marquée.