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« Paris, le 26 juin 1898.
Mon cher Monsieur Lamouroux,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« J’ai lu avec le plus grand intérêt ces procès-verbaux, et l’inventaire dressé par M. Carot, des vitraux anciens existant encore dans nos monuments, a particulièrement attiré mon attention.

« Malgré toute la conscience qu’a apportée dans son étude l’artiste distingué et si compétent dont tous nous apprécions le réel talent, permettez-moi de vous signaler une petite lacune dans son travail et de préciser, à l’aide de mes souvenirs personnels, certaines incertitudes.

« Les trois grandes rosaces de notre belle cathédrale et non deux seulement, comme il l’indique, sont garnies de leurs vieilles verrières. L’ami Carot a oublié de citer celle de la façade occidentale, malheureusement cachée en partie par le grand orgue, qui est d’une puissance de coloration extraordinaire vers quatre heures de l’après-midi.

« La composition en est originale, bien qu’assez fréquente au XIIIe siècle, sans être partout aussi complète : au centre, la Vierge mère, entourée des prophètes qui forment la première zone ; dans les deuxième et troisième zones sont représentées, dans la partie supérieure, les vertus avec leurs emblèmes, combattant les vices, et dans la partie inférieure, les caractéristiques des travaux des mois de l’année, en regard des signes du Zodiaque. Une reproduction de cette rose a été publiée sous la direction de M. Albert Lenoir, et, quoique assez rare, il doit encore en exister quelques exemplaires chez les marchands des quais.

« C’est celle-là qui a été restaurée en 1855 par Coffetier et Steinheil. Les deux autres l’ont été par mon maître, Alfred Gérente ; celle du transept Sud, de 1859 à 1860, date de mon entrée à son atelier, et celle du transept Nord, à laquelle j’eus l’honneur de collaborer un instant, vers 1864.

« C’est, en effet, à la suite du concours de 1838, dans lequel Henri Gérente, le frère de mon maître, obtint le 1er prix, que fut décidée la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle ; mais il fut enlevé par le choléra en 1839, avant d’avoir pu commencer. Ces travaux furent alors confiés aux titulaires du second prix, c’est-à-dire à la maison Lusson, disparue aujourd’hui, avec la collaboration artistique de Steinheil, beau-frère de Meissonier, mort lui aussi. Ce fut, d’ailleurs, le point de départ de la glorieuse carrière que devait parcourir cet éminent artiste dans ce si bel art du vitrail.

« Je crois devoir aussi vous signaler l’existence, dans une petite chapelle absidale, à droite, de l’église Saint-Germain-des-Près, de deux petites verrières de la même école de décadence que celles de la Sainte-Chapelle, dont on pourrait presque croire qu’elles ont été détachées.

« Bien que ces renseignements ne présentent qu’un intérêt relatif, j’ai cru néanmoins devoir vous les communiquer, vous laissant juge de leur utilité.

« Agréez, mon cher Monsieur Lamouroux, l’expression de mes sentiments les plus cordialement dévoués.

Signé : Delalande, 105, rue Notre-Dame-des-Champs. »

M. le Président pense que la communication de M. Delalande, quoiqu’écrite au courant de la plume, présente un certain intérêt documentaire. Il propose à la Commission d’adresser des remerciements à l’auteur de la lettre.

M. Formigé se range à cette opinion tout en relevant l’expression de décadence contenue dans la lettre de M. Delalande. Il estime qu’il n’y a pas eu d’époque de décadence dans l’art des vitraux pendant la période du XIIIe au XVIIIe siècle. À des points de vue différents, les vitraux fabriqués à ces époques sont d’un haut intérêt artistique.

M. Charles Lucas rappelle que la reproduction lithographique de cette rose de la façade occidentale de Notre-Dame-de-Paris est une des planches comprises à la fin du tome II de l’atlas de la Statistique monumentale de Paris sous le titre de monographie non terminée de Notre-Dame-de-Paris.

La Commission décide que des remerciements seront adressés à M. Delalande pour les renseignements intéressants qu’il a bien voulu communiquer.

M. le Président donne lecture d’une lettre de la Société d’archéologie de Bruxelles sollicitant le service des procès-verbaux de la Commission.

La Commission décide que le service sera fait.