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une place honorable dans le portefeuille spécial dont la création a été proposée par notre collègue M. Lucien Lambeau.

Rue Beaubourg, 31, la maison fait le coin de la rue Brantôme ; il existe encore une plaque de l’époque où cette rue s’appelait des Petits-Champs, nom sous lequel elle était déjà connue en 1273. L’on remarque une porte massive du XVIe siècle à un seul battant qui, malgré une récente réparation un peu naïve, a gardé un beau caractère.

Le no 33 a été occupé autrefois par la mairie de l’ancien 7e arrondissement. Il y reste une belle rampe en fer.

Une vue de cette maison pourrait être prise si les collections de la Ville ne contiennent pas déjà une reproduction de l’aspect ancien.

Le no 35, moderne, n’offre pas d’intérêt pour nos travaux.

Le no 42 est une vieille maison à pignon construite en 1623. Il existe encore, sur la façade, une plaque de numérotage d’un modèle devenu rare et qui pourrait être conservé à titre documentaire.

Ces quatre maisons appelées à disparaître incessamment avoisinaient certainement l’enceinte de Philippe-Auguste dans laquelle s’ouvrait à cet endroit la poterne de Nicolas Hideron ou Hydrelon, qui avait donné son nom à une partie de la rue.

Une fouille pratiquée sur l’emplacement du no 41, récemment démoli, a fait rencontrer presque au niveau du sol des pierres de gros appareil analogues à celles du mur de la rue d’Arras. Du reste, la disposition des culs de sacs et des impasses du quartier montre bien que l’on se trouve sur le passage d’une ancienne fortification sans fossé. L’impasse Beaubourg, qui est au no 37, s’était appelée impasse des Anglais après avoir été, en 1260, le Cul de sac sans tête, qui aboutissait au rempart.

Il est vraisemblable que les démolitions prochaines feront connaître le lieu exact de la poterne Hideron.

La Commission a ensuite visité plusieurs autres maisons dont la suppression est décidée en principe pour l’élargissement de la rue Beaubourg :

D’abord, les nos 38 et 40, rue Beaubourg, autrefois réunis, formaient l’Hôtel de Fer qui rejoignait la rue du Temple dans la partie qui s’appelait Sainte-Avoye et était mitoyen du couvent des religieuses de Sainte-Avoye.

Il reste peu de choses au no 40 : une rampe en fer assez bien traitée ; un couronnement de porte avec bandeau, postérieur à la construction de la maison, enfin une vieille cheminée qui n’est remarquable que par ses dimensions extraordinaires.

Le 38, qui a été vendu le 11 ventôse an XII comme propriété nationale provenant de Duluc, émigré, a conservé un cachot, dernier vestige d’une geôle importante, dont l’origine et la destination n’ont pu être fixées exactement.

Dans le bâtiment du fond, l’on trouve au 1er étage un ancien salon Louis XVI d’une belle conception décorative. Les peintures du plafond sont recouvertes d’un badigeon épais qui les a détruites presque complètement. Au cours de la dernière réfection du badigeonnage, effectué il y a 6 ans, l’on a pu distinguer quelques traces et contours de la décoration primitive permettant de reconnaître des amours. Une main de grandeur naturelle, qui a été respectée par le grattage et qu’il serait facile de dégager de l’enduit léger qui la recouvre, témoigne de l’importance du sujet traité. Des mascarons en clef couronnent l’entrée de ce bâtiment.

Le 62 de la même rue, ancien 12 de la rue Transnonnain, dont le nom est resté si tristement célèbre, est extrêmement réparé. Le mur de fond rappelle l’existence du théâtre Doyen dans cette maison, dont une vue détaillée, prise au lendemain de cette malheureuse affaire, a été publiée dans le premier volume de l’Histoire de Paris de 1841 à 1851, par Jacques Arago (Paris, 1852).

Avant le théâtre Doyen, l’église des Carmélites, supprimée en 1793, avait été édifiée à cet endroit sur l’emplacement de l’hôtel des Évêques de Châlons.

Rue Grenier-Saint-Lazare, 4. — On y remarque une admirable porte avec mascarons et motif décoratif élégant, surmonté d’une grille bien composée. L’escalier Louis XVI est très pur.

Même rue, 5. — Une légende de quartier a donné à la maison le nom de Buffon. Les pièces de ferronnerie qui y sont contenues : balcon extérieur du 1er étage, d’une très belle conception ; rampes d’escaliers largement traitées avec départs finement contournés ; appuis de fenêtres délicatement dessinés, sont des œuvres d’art qui caractérisent le goût parisien de la belle époque.

Au fond de la cour se trouve un pavillon surmonté d’un fronton dans lequel est placé un triangle symbolique lui donnant l’apparence d’un ancien temple de franc-maçonnerie.