sière soulevée par les pieds des chevaux, les tricornes galonnés et les buffletteries jaunes des deux gendarmes d’escorte.
M. de Guérelles poussa un sacrebleu sourd. Puis il ajouta.
— Oh ! oui, une tuile ! une double tuile !
Georgette n’eut que le temps de disparaître. La voiture officielle était déjà devant le perron, sous la fenêtre. Le préfet sauta à terre et salua le châtelain d’une voix joyeuse.
— Bonjour, Guérelles, dit-il d’en bas. C’est une surprise, hein ! J’avais affaire à côté, mon cher, à Guërs ; la révision, vous savez ; alors je me suis dit : mais sapristi, je suis à deux pas de Guérelles ; je vais aller demander à déjeuner à ce vieil ami. Du coup, j’ai amené M. Pontel, médecin-major au 5e hussards, un de mes bons amis, que j’ai l’honneur de vous présenter. Ah ! ça, Mme de Guérelles m’excusera, n’est-ce pas ! Je m’en rapporte à vous.
— Comment donc, Saint-Senez, comment donc ! Mais c’est-à-dire que c’est une bonne fortune, mon cher ami. La marquise sera enchantée. Je descends, messieurs.
M. de Guérelles avait fait appel à toutes les dissimulations mondaines pour prendre un air cordial. Le diable de préfet passait pour avoir toujours été fort galant auprès de Georgette. Et le marquis était jaloux — même en voyage. Chaque marche de l’escalier fut marquée d’une tonalité différente de son juron favori. Le dernier sacrebleu en basse profonde s’éteignit à grand’peine en haut du perron.
Georgette, elle, avait tout de suite pris un parti. Elle dépêcha Négous — appelé par les circonstances à jouer un rôle important et complexe — pour montrer au cocher et à l’escorte le chemin des écuries. Elle gagna du temps en envoyant à ces messieurs, par le même dévoué serviteur, un plateau chargé d’apéritifs variés, qu’ils dégustèrent sous les ombrages de l’allée des platanes. Puis, elle courut à la cuisine et fit l’inventaire des subsistances : Un pâté de foie gras, des asperges et… du gras-double. Le maître raffolait du gras-double, et la cuisinière, désireuse de faire oublier son absence, avait laissé le plat lyonnais mijotant sur le fourneau. Allez donc servir du gras-double à un préfet en uniforme escorté d’un médecin-major en tenue ! Heureusement, Georgette était femme de ressources et excellente maîtresse de maison. Elle retroussa sa robe fraîche, l’attacha par derrière avec une épingle, arbora un tablier à bavette, et se transforma bravement en cuisinière. Dans l’office, elle dénicha un superbe poulet tué la veille, excellente base d’opérations : elle le fit