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LA
ROMANCE DE LA ROSE


A Trouville. — A droite et à gauche, deux pavillons dans un jardin, une grille au fond, avec vue sur la mer. — Chaises et tables rustiques.



Scène PREMIÈRE

JEAN-LOUIS, seul.

Il brosse des vêtements près du pavillon, à droite de l’acteur.

Elle est là… (Au public.) Oui, elle est là celle que je baignons depuis huit jours, et moi, je suis t’ici, chargé de nettoyer la cambuse des trois paroissiens qui logent là-haut. (Il montre l’autre pavillon.) Des artisses de Paris !… Je brosse… mais la brosse n’empêche pas la poésie. — O mon ange ! Quand l’heure du flot nous rapproche toi-z-et moi, y a pas de musique du casino qui vaille ça ! Je nagions dans un océan de délices et de pommades superfines… Sirène, va ! A vrai dire, c’est pas uniquement c’t’ Américaine-là qui me chavire la boussole, c’est les belles dames, toutes les belles dames qui courent des bordées sur la plage, gréées comme des châsses, avec un tas de fanferluches de soie… à leur gouvernail ! Quand celles-là m’accostent à l’heure du bain, en me disant de leur petite voix flutée : « Jean-Louis, oh ! tenez-moi bien ! » Cristi, j’te vous les amarre entre mes deux nageoires de devant, qu’y a des rois, voyez-vous, qui paieraient cher pour être en ce moment-là dans mon tricot de flanelle. Oh ! les mignonnes créatures ! Je sens leur douce haleine plus caressante qu’un petit vent de sud sud-ouest ; je sens leur chevelure goudronnée à la vanille… Cré coquin ! si elles pouvaient savoir ce que je