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ITALIAM

retrouva Richard le lendemain, non comme on retrouve son bonheur et sa paix, mais avec la satisfaction d’être le bonheur et la paix de qui l’on aime. « Je rentre à la maison après cette rencontre comme si une vie nouvelle devait commencer pour moi ; sans consolation et pourtant paisible ; heureuse de son seul bonheur et du fond de mon cœur consciente d’un péché inexpiable. Que Dieu m’aide à apprécier cette paix sans jamais oublier ce péché. » Tout le tragique de cette femme tenait à son incapacité d’oublier.

Aussi est-ce avec joie qu’on accueille à Wahnfried l’arrivée des artistes et des chœurs de Munich, promis par le roi pour les essais de mise en place de l’œuvre encore inachevée et qu’on devait représenter l’été suivant. Mlles Brandt et Thérèse Malten, MM. Winckelmann, Gudehus et Scaria débarquent tour à tour. Wagner se rejette dans l’action, s’occupe des décors et des machines, accompagme ses chanteurs au piano. Liszt vient faire en septembre son séjour annuel à Bayreuth, où il retrouve Judith Gautier « dans les ravissements célestes… » comme il l’écrit à la princesse. Ainsi reparaissait donc l’amie secrète de Richard au moment même où il orchestrait le jardin voluptueux des filles-fleurs. « Il en est arrivé à la fin du deuxième acte », mande Liszt, « et n’a plus que cent à deux cents longues pages à écrire. Il y faut plus que du soin : simplement du génie et son tourment… M. de Joukowski a fait de beaux tableaux, illustrant le Parsifal — temple, forêt et jardin fantastique ». C’étaient le dôme de Sienne et le jardin de Ravello.

Encore et toujours l’Italie, où le compositeur habitait tellement en pensée qu’il y plaçait maintenant le bourg de Monsalvat ! Rubinstein, au même moment, proclamait son enthousiasme pour Palerme. Wagner rouvrait son Baedeker, ne rêvait plus que départ et soleil, parce qu’il attribuait à ses douleurs de poitrine, à ses vertiges fréquents, une origine rhumatismale. On consulta les médecins. Ils déclarèrent que ses organes étaient en parfait état, mais lui recommandèrent un climat chaud, une diète sévère, beaucoup d’air et d’exercice.

Comme vingt-deux mois auparavant, les Wagner décidèrent brusquement de partir et de passer cette fois tout l’hiver en Sicile. De nouveau, ils confièrent à Feustel et à son gendre Gross, les affaires du Théâtre des Fêtes, et le 1er novemhre le