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RICHARD WAGNER


Wagner un exemplaire de Religions et Philosophies dans l’Asie Centrale avec cette dédicace : « Souvenir de l’admiration la plus vraie et de l’attachement le plus affectueux. »

« Gobineau mon seul contemporain », déclara Wagner. qui lui fit dès lors dans sa pensée une place parallèle à celle que Schopenhauer y occupait depuis bientôt trente ans. L’ombre en est visible dans Héroïsme et Christianisme. Elle accompagne Wagner durant toute cette période où il achève l’orchestration des deux premiers actes de Parsifal. On étudie Gobineau. On le commente. On l’enseigne. On lui demande un article pour les Feuillets de Bayreuth. Cosima écrit à Judith Gautier pour obtenir de l’éditeur Didot qu’il réimprime l’Essai sur l’inégalité des races humaines, entièrement épuisé, et dont les Wagner s’offrent à supporter les frais d’impression. « Est-ce trop vous ennuyer que de vous demander votre intermédiaire en cette affaire ?… Mon mari est beaucoup mieux « si hiver que l’an passé, et l’Italie, Sienne en particulier, lui a fait beaucoup de bien. Il a commencé aujourd’hui l’instrumentation du deuxième acte de Parsifal et nous sommes déjà en pleins travaux de décorations et de costumes. Je doute que nous quittions notre foyer avant les représentations, et il y aura alors six ans que nous ne nous serons vus… »

Mais Cosima se trompait. Elle devait retourner en Italie cette année même, Richard ne supportant plus du tout le pluvieux climat de le Bavière. Jamais l’appel du Sud n’avait été en lui aussi pressant. Sa nervosité augmentait du fait de son travail et, en outre, parce qu’il s’était mis en tête d’adopter les deux filles de Bülow, Daniela-Senta et Blandine, qu’il aimait avec tendresse. Mais Hans s’y refusa. Et Cosima, sur sa demande, se résolut à une entrevue avec son premier époux.

Elle eut lieu durant l’été, à Nuremberg. Il y avait onze ans qu’ils ne s’étaient revus. Heures douloureuses, pénibles. Hans avait beaucoup changé l’aspect, mais au moral il demeurait le même, violent, injuste, fébrile, incapable de s’épancher. Il reprochait à Wagner de ne plus savoir distinguer le blanc du noir, le mal du bien. Pourtant Cosima ressentit une pitié sincère devant ce malade ravagé et inguérissable. Elle pleura, mais ne put évidemment rien regretter et