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RICHARD WAGNER


science. Prospero, dans son île, préparait l’abjuration de sa magie


                     But this rough magick
I here abjure : and, when I have requir’d
Sorne heavenly musick (which even now I do),
To work mine end apon their senses, that
This airy charm is for, I’ll break my staff,
Bury it certain fathoms in the earth,
And, deeper thon did ever plummet Sound,
I’ll drown my book

(Mais j’abjure ici cette âpre magie. Et, quand j’aurai requis — c’est mon ordre dernier — une musique céleste dont le charme aérien agisse sur les sens de ces ensorcelés, je briserai ma baguette, l’enfouirai à plusieurs toises sous la terre et, plus profond qu’est jamais descendue la sonde, je noierai mon livre.)

Après son travail quotidien, Wagner rouvrait donc ses auteurs favoris auxquels il adjoignit désormais les ouvrages du comte de Gobineau. Cet infatigable lecteur prit l’un après l’autre l’Histoire des Perses, Trois ans en Asie. Religions et philosophies dans l’Asie Centrale, La Renaissance, et 1c maître-livre de son nouvel ami : l’Essai sur l’inégalité des races humaines, cette vaste géologie morale dont les idées sur tant de points confirmaient les siennes, les appuyaient à une science que Wagner, jusque-là, n’avait fait qu’entrevoir. Il fallut interrompre sa vie méditative au printemps de 1881 pour assister à Berlin, aux premiers grandsi cycles complets de sa Tétralogie donnés en dehors de Bayreuth. Ces représentations de l’Anneau furent un brillant succès. La famille impériale joignit ses ovations à celles du public et Wagner dut prendre la parole sur la scène. Mais ces tensions nerveuses amenaient fatalement le retour des accidents cardiaques. Il n’aspirait désormais qu’au repos fécond de Wahnfried, et il s’en remettait à l’impresario Neumann, aux chefs d’orchestre Seidl, Lévi ou Richter pour le mise au point de ses œuvres anciennes. La tendresse et la paix lui étaient à présent d’un plus haut prix que l’exécution de sa musique. Car il constatait une fois de plus que ses plus inte11igents disciples et