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RICHARD WAGNER


Beethoven, divers morceaux de Chopin, sa Symphonie de Dante, et, la veille de son départ, presque tout le troisième acte de Parsifal, que Wagner chanta debout auprès de lui. On tenta de le retenir. Wagner se lamentait de ces trop courtes visites. Il aurait voulu fixer auprès de lui ce beau-père usé, qui avait besoin de soins, de ménagements, d’affection stable. Mais Liszt échappait à cette famille heureuse. L’artiste autrefois opulent et magnifique, devenait de plus en plus humble, timide, « impersonnel » (comme il l’écrivait à la princesse de Wittgenstein). L’ancien mécène de Wagner n’aimait plus que la solitude et quelque coin de chapelle où il allait s’agenouiller et demander au Patron des Minimes de le corriger avec son bâton de ses nombreux défauts…

De Sienne, Wagner écrivit à Louis II pour solliciter une dernière fois son appui en faveur de Parslfal, car il ne voulait pas que ce « mystère sacré » fût profané sur les mêmes planches où se jouaient les opérettes d’Offenbach. Il désirait garder cette œuvre pour Bayreuth seulement. Et lorsque le roi eût souscrit à ce vœu et promis d’envoyer gracieusement à son vieil ami l’orchestre et les chœurs de Munich pour les répétitions de 1881 et les Festspiele de 1882, alors les Wagner reprirent la route d’Allemagne.

Ilsh passèrent d’abord par Venise, séjournèrent près d’un mois au palais Contarini, et, le dernier jour d’octobre, arrivèrent à Munich. Le roi Louis attendait saus rancune l’unique être en ce monde pour qui il eût réellement souffert. Il ordonna une représentation privée de Lohengrin et invita Wagner seul à prendre place auprès de lui dans la loge royale, tandis que Cosima et les jeunes filles se dissimulaient dans une baignoire. Puis, deux jours plus tard, Wagner conduisit à la demande du roi le prélude de Parsifal. Le compositeur était nerveux. Il fallut attendre Sa Majesté un grand quart d’heure… Et lorsque fut achevé ce prélude que l’auteur entendait pour la première foit à l’orchestre et qui le bouleversait, le roi demanda qu’on le recommençât, puis exigra en addition le prélude de Lohengrin… Wagner passa la baguette à Lévi, rentra chez lui en proie à une colére froide et subit une crise violente de sa maladie.

Le soir, à dîner, l’orage éclata. Wagner maudit tous les princes de la terre. « Roi, empereur ou Bismarck, ils sont