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PARSIFAL CHEZ LES FILLES-FLEURS


dement pesé sur les épaules de Richard Wagner qu’en cet arrière-automne de 1879. La vieille fringale de l’Italie se réveilla en lui subitement, avec cette pointe de griserie que donne un nom de ville, le souvenir d’un visage aperçu dans l’ombre d’une église, l’odeur aiguë d’une ruelle ou d’un fruit.

Comme le disait Cosima : si l’on se sent réellement la vocation du martyre, il faut « vivre en Allemagne et mourir en Italie ». Et vraiment, Wagner se sentait cette vocation-là. Car l’heure de mourir approchait à présent. Si Parsifal devait être la dernière da ses œuvres, il ne lui restait plus de temps à perdre pour l’instrumenter. Et pourquoi n’y travaillerait-il pas à Rome ou à Naples ? Italiam ! Que de fois sa pensée emprunta cette route de jeunesse vers le pays le plus vieux et le plus sain de l’Europe ! Était-ce pas Liszt qui disait : « Toujours le mal de l’Italie sera le mal des belles âmes ? »

Ils fixèrent leur choix sur Naples. Six mois d’absence étaient prévus. On fermerait Wahnfried. On oublierait toute la misère professionnelle. Après bien des pourparlers, la ville Angri fut louée, sur la Strada Nuova Del Posilippo et ils partirent le dernier jour de l’année.


Le 4 janvier de 1880, toute la famille gravissait les terrasses de la villa, d’où l’on voyait fumer le Vésuve. Froid intense. Il avait neigé peu de jours auparavant. Qu’importait. Le golfe étincelait. Là-bas, c’était Sorrente, Capodimonte, Ischia, Capri… Vivre ! Vivre encore ! Assis dans le petit tramway que deux chevaux emmenaient en trottinant vers la cité toute vibrante de gaieté. Wagner s’écria : « Que le diable emporte les ruines ! Naples est ma ville. Ici tout vit ! »