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RICHARD WAGNER


jour où le « simple au cœur pur » rachètera sa faute et guérira par sa pureté invaincue la blessure ouverte au flanc du pécheur.

Kundry seule, dans ce dernier drame de Wagner, apparaît comme une création neuve et énigmatique. Cette femme au double visage est tantôt la messagère du Graal, la silencieuse servante des chevaliers de la Sainte Ampoule qui renferme le sang du Christ, tantôt l’espionne de Klingsor, « l’Innommée; l’originelle Tentatrice, la Rose et l’Enfer », l’Hérodias enflammée de désir pour le prophète du désert et qui couvrir de baisers la tête sanglante du Saint qui l’avait méprisée. Kundry est à la fois Marie-Madeleine, la femme adultère, et une amoureuse mystique de Jésus. Elle symbolise la Femme, l’Éternel Féminin, le Bien et le Mal en un, la pureté et la débauche, la douleur et le jouissance. « Jadis elle a insulté par un rire impie aux souffrances du Crucifié ; mais les yeux de Jésus se sont soudain fixés sur elle et, depuis ce jour, elle erre de monde en monde pour rencontrer de nouveau son regard et obtenir son pardon. » L’amour seul la sauvera, croit-elle. Sa malédiction comme sa rédemption sont donc uniesa en un vouloir unique, une sorte d’instinct où la perdition par l’extase charnelle est éternellement rachetée par le repentir et l’espérance du pardon. Dans tout amant nouveau, Kundry cherche son Rédempteur. Et, s’apercevant qu’elle ne tient entre ses bras qu’un pécheur — toujours le même — cette femelle sans larmes éclate du rire qui jadis déchira le cœur du Fils de Dieu. Avide de pureté quand même, et passionnée de cette beauté de l’âme qu’elle a entrevue au pied de la Croix, Kundry s’arrache aux sorcelleries de Klingsor et s’en retourne expier sa lubricité sous le déguisement le plus misérable, aux portes de Monsalvat. Elle se dévoue. Elle redevient une humble domestique. Elle n’est plus qu’un cœur ployé par l’innocence de ses devoirs ; jusqu’au moment où s’agite en elle son ventre inexorable. Alors la somnambule pousse un cri rauque et s’enfuit à travers bois pour retrouver sa vie secrète panmi les filles-fleurs qui lui amènent la belle proie qu’elle a désignée. C’est ainsi qu’un jour ces chasseresses d’amour conduisent devant elle Parsifal.

Mais si Kundry est l’Éternel Féminin, Parsifal ne symbolise