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PARSIFAL CHEZ LES FILLES-FLEURS


dénouement héroïque de ses crises morales : l’acte créateur. En un mois (de fin janvier à fin février 77), le texte de son poème est entiérement esquissé ; fin avril, il est achevé dans le détail. Et cela malgré de troublantes hésitations d’ordre financier, car Vienne offrait subitement 20.000 marks pour monter la Walkyrie, et un impresario anglais proposait six grands concerts à l’Albert Hall de Londres, dont le bénéfice suffirait, pensait-on, à couvrir le déficit du Festspielhaus.

Tenté par ce nouveau voyage, Wagner accepta et se mit en route avec sa femme. Mais s’il fut reçu partout comme un souverain ; si dix mille auditeurs lui firent une ovation lorsqu’il parut sur l’estrade au soir de son premier concert, dès le second l’enthousiasme et les recettes baissèrent. Après le dernier, on fit des comptes : les frais avaient été tellement élevés qu’il ne restait que 700 livres pour amortir les dettes. Alors Wagner songea une fois de plus à quitter l’Europe, à vendre sa maison de Wahnfried pour s’établir en Amérique, où on lui faisait des offres brillantes. Ce n’était là, pourtant, qu’un projet fantaisiste. Cosima offrit à son mari 40.000 francs prélevés sur l’héritage de sa mère ; Richard y ajouta la dizaine de mille francs qu’il venait d’encaisser, et il fallut recommencer à tendre le chapeau…

Ce qui le soutint durant cette phase difficile, ce fut le travail de Parsifal. Cosima s’était mise à traduire en français et sollicitait l’avis de Judith Gautier, tandis que Wagner écrivait de son côté à son amie : « Oui, il est question de la musique de Parsifal. Je ne pouvais plus exister sans me jeter dans une telle entreprise. Aidez-moi… Aimez-moi, et n’attendons pas pour cela la ciel protestant : il sera fort ennuyeux ! Chère, chére, aimez-moi toujours. »

Du 27 septembre : « … Le Parsifal, oh ! écrivez toute votre opinion à Cosima. Seulement ne craignez pas de l’offenser. Ne croyez pas aussi qu’elle a traduit littéralement Oh, si vous saviez combien cela est impossible de rendre le moindre sens de cette poésie dans votre langue si conventionnelle ! Cosima n’a fait que chercher des expressions sobres à mourir (de là cette raideur !) pour des choses naïves dont le sens même est inconnu aux Français… Toujours serait-il très bien si vous vous entendiez fort franchement avec elle… Vous verrez, au deuxième acte, les