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CHAPITRE II

PARSIFAL CHEZ LES FILLES-FLEURS


Je me suis parfois demandé, au cours de cette étude, s’il n’était pas quelque peu impertinent de mêler de façon aussi étroite, à l’œuvre d’un artiste, sa vie ; de confondre en un même mouvement les démarches de son esprit et les impulsions de son tempérament ; d’admettre qu’il y ait entre elles parallélisme constant, interdépendance absdue. Y a-t-il vraiment dialogue entre le cœur et le cerveau ? Vivre et produire ont-ils un commun dénominateur ? Qui ne sent combien la pensée est indocile aux ordres du penseur, et plus rusée que lui, soumise à des forces qu’il ne contrôle nullement ? Et d’autre part comment ne pas tenir compte des tyrannies qu’impose à l’homme son existence journalière ? Comment ne pas suivre pas à pas, en romancier plutôt qu’en historien, les influences qu’eurent sur sa terrestre aventure les êtres qui la façonnèrent sans y songer ?

Wagner niait qu’il y eût rapport congénital entre l’expérience d’un artiste et les créations de son esprit. Il prétendait n’avoir été poussé aux siennes que par une exigence de nature, non par désir de se revivre. Son œil intérieur, assurait-il, ne regardait point le panorama de ses souvenirs. Il se refusait à convenir que son Tristan lui eût été inspiré par le drame de l’Asile et de Venise. Le seul de ses ouvrages où il avouait reconnaître son passé est l’Idylle de Tribschen. qu’il rebaptisa plus tard Siegfried Idyll. Mais ces affirmations, il les hasardait vingt ans après la rupture avec Mathilde et sa plaie depuis longtemps cicatrisée. Ce qu’il entendait dans sa mu-