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L’INCENDIAIRE DU WALHALLA


Tolstoï, plus tard, échappant aux tourments que lui infligera l’étouffante tendresse des siens, échouera pour mourir dans une lointaine gare du chemin de fer ; ainsi Liszt va cacher son inquiétude dans une ville de hasard que son itinéraire de voyage met sur sa route : Ratisbonne. Il y fête son jour le naissance dans la solitude de la cathédrale. Puis il rentre à Budapest, où il passe maintenant une partie de l’année. Et son âme chrétienne, toujours en quête d’effusions, y retrouvera cette douceur, cet apaisement sans lesquels elle n’a jamais su vivre. « La plus heureuse de mes heures est maintenant celle où je m’agenouille près de quelques vieilles pauvresses à l’église de ma paroisse, Saint-Léopold, ou à l’église des Franciscains, pendant la messe du matin. J’allume mon cerino et le communique à mes voisines avec une joie royale, bénissant le doux joug et le léger fardeau de N. S. Jésus-Christ. »

En ce temps-là, Cosima se fit protestante. Par amour, sans doute. Car il y avait dans la différence de religion entre elle et Richard une difficulté que son cœur ne surmontait point. Comment cette chrétienne eût-elle accepté de se trouver devant l’éternité séparée de celui qu’elle aimait ? Il ne pouvait guère s’agir ici de la Sainte Vierge, du Pape, d’une doctrine ou d’un point de dogme. Il s’agissait du Paradis. Et la seule foi qui justifie de tels reniements et soutienne une démarche où les hardiesses de l’esprit hésitent devant le profond conservatisme de l’instinct, est la foi en l’amour. Mais Cosima, qui n’avait point reculé devant la douleur de Hans, ne recula pas davantage devant un acte qui engageait son âme. Sa soumission devenait ainsi plus complète.

On ne trouve à cette date dans son journal aucun de ces troubles comme il en renferme tant. Au contraire. Cette page sur sa conversion au protestantisme est l’une des plus heureuses de ses cahiers intimes, comme si le poids même de la résolution en supprimait tout tremblement. « Lorsque (après la cérémonie), nous nous embrassâmes, Richard et moi, il me sembla que notre mariage venait d’être consacré et que maintenant seulement nous étions unis en Christ. Puissé-je, après cet acte solennel, renaître à nouveau. Ô puissé-je aimer la souffrance, la rechercher, et distribuer autour de moi la joie. Je suis heureuse, car je voulais appartenir à une communauté