bres et les circonstances qui me retiennent au loin disparaîtront
et que nous nous reverrons bientôt. Alors tu comprendras
combien mon âme demeure inséparable des vôtres, revivifiée
en « ta seconde et plus haute existence où tu accompliras ce
que, seul, tu n’eusses pu accomplir ». Je reconnais là une
grâce du ciel. La bénédiction de Dieu soit avec vous, ainsi
que tout mon amour. »
Les fêtes commencèrent par l’exécution solennelle de la Neuvième Symphonie, dans le vieil Opéra rococo des margraves. À défaut du patronage réel des grands amis vivants, Wagner voulut placer son temple futur sous l’invocation de Beethoven. Mais malgré le recueillement enthousiaste de ses fidèles, on sentait de l’épuisement chez le lutteur usé apparu sur l’estrade, lorsqu’il recommanda au premier cor de son orchestre : « Point de nuance de sentiment… Il fait que cela sonne comme derrière un voile ». L’hymne à la joie éclata ensuite, tout rempli de ce mystère que Wagner lui avait insufflé lors de sa fameuse exécution de Dresde, en 1846. Apothéose splendide de l’ancien art allemand, rehaussé par les impondérables harmoniques dont le disciple se servait pour lui infuser un sang frais. Chant de reconnaissance aussi, envers le guide qui avait orienté les recherches de son successeur et l’amenait à se convaincre qu’un art authentique et moderne était né désormais de son labeur.
Le lendemain, il plut. Sous un ciel bas et sous la houle des parapluies, la multitude vit descendre, dans la boue, le petit sorcier de la nouvelle colline magique. Il saisit le marteau qu’on lui tendait : « Sois bénie, ma pierre, demeure forte et tiens ferme. » Elle s’enfonça dans le sol, emportant l’incantation qu’il y avait enclose et qui commençait par ces mots : « J’enferme ici un secret ; que les siècles le conservent… » Puis il y ajouta une dépêche du roi Louis, arrivée tout à l’heure : « Du plus profond de mon cœur, je vous exprime, très cher ami, mon vœu de bonheur le plus sincère et le plus chaleureux en cette journée si importante pour toute l’Allemagne. Salut et bénédiction sur la grande entreprise de l’an
