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RICHARD WAGNER


Wagner écrivait un peu plus tard à Catulle Mendès : « Il y a une région d’existence où nous sommes et resterons toujours unis. Car nous sommes parfaitement d’accord dans ces deux grands principes : l’Amour et la Musique… Eh bien, ne soyons qu’amants et musiciens… »

C’était assurément une conclusion un peu simpliste à ces commentaires l’ordre tragique. Mais comment faire pour ne point trop laisser voir la continuelle jubilation où le maintenaient, durant ces premières semaines de guerre, les victoires allemandes ? Et peut-on garder rancune à Wagner de souligner avec quelque maladresse tout ce qui lui semble justifier les prophéties dont ses écrits étaient remplis depuis vingt ans ? Quant à la petite comédie-charge qu’il publia à cette époque, Une capitulation, elle n’a pas plus d’importance qu’une caricature pour le Kladerradatsch (Le Charivari allemand).

On lui en a voulu, en France, de cette plaisanterie grossière. Elle ne méritait pas tant d’indignation, et Wagner lui-même a reconnu dans la suite que son propos ne visait qu’à mettre en lumière, par contraste, l’originalité de l’esprit français et la lourdeur allemande lorsqu’elle s’essaye en ce genre de fantaisie. Pour peu probante que soit une telle juctification, il était plus adroit de rédiger presque en même temps ses « Souvenirs sur Auber ». Quoi qu’il en soit, on s’explique ce manque de goût de Wagner au moment que son pays prenait pour lui une revanche si formidable sur le Tannhaeuser de 1861 et la misère de 1840.

Au fond, il n’avait jamais accepté ces mécomptes, et il en gardait d’autant plus de rancune à Paris qu’il avait toujours placé en cette ville ses espérances. L’on est jaloux d’elle comme d’une femme qui n’aurait pas su vous aimer et vous eût préféré vos inférieurs. Mais sa coquetterie, ses refus, ses duretés mêmes, empêchent qu’on ne l’oublie. Et on finit par lui pardonner d’être volage, parce que cette bourgeoise traditionaliste a le culte du cœur. Wagner, en 1870, n’a pas cessé d’aimer Paris, et Paris commence à peine de goûter Wagner. Celui-ci écrira bientôt à Judith : « Vous rappelez vos souffrances pendant le siège. C’est horrible. Évitons pour jamais toutes querelles sur ces choses qui ne valent pas la poudre de fusil qu’elles ont coûtées ! » Et il dit à Cosima que