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CHAPITRE IV

LE CRÉPUSCULE DES DIEUX
ET L’AURORE DE BAYREUTH


Deux jours après la reddition de l’empereur des Français, on baptisa le petit Siegfried à Tribschen, au fort d’un orage. Les vieux amis Wille étaient accourus de Zurich et Wagner écrivit à Judith Gautier : « Il paraît que les coups de foudre joueront un rôle dans la vie de ce terrible garçon. Mais j’aime ces augures du ciel, tandis que je prends en aversion ces coups terrestres qui nous ont privés de votre assistance. »

Canon pour la naissance de Richard, en 1813, et défaite de Napoléon Ier. Canon pour le baptême de Siegfried, en 1870, et défaite de Napoléon III. L’histoire des Wagner semblait associée aux victoires allemandes. On ne s’étonne donc guère d’entendre chanter à Tribschen une cantate aux armées, ni que le Wagner d’autrefois, révolutionnaire et internationaliste, soit devenu maintenant un impérialiste militant. « L’aversion pour les coups terrestres » n’est qu’une clause de style employée par égard envers les amis Parisiens, car Wagner, durant ces premiers mois d’ivresse nationale qui remplissent tous ses vœux politiques, est aussi débridé qu’il convient à tout soldat de la victoire. Et il croit cette victoire un peu la sienne.

C’est logique. Et on ne peut guère s’étonner qu’il adresse à Judith Gautier et à son mari une lettre où le fanatisme le dispute à la crainte de perdre ses nouveaux amis.


« Chers,

« Je n’ai pas à vous dire combien votre lettre m’attriste.